Pour son premier anniversaire, la Psychedelic Revolution a voulu faire les choses bien. Ce vendredi 13 février leur a plutôt porté chance, et ils ont profité de l’occasion pour investir une nouvelle fois la Dynamo, la décorer et y faire jouer un plateau d’artistes qui a largement tenu ses promesses. La Psychedelic Revolution (la PR pour les intimes, toi-même tu sais) est une association toulousaine plutôt jeune, mais très active, qui affiche un an de concerts solides au compteur, avec des artistes surprenants, issus d’abord de la scène locale, puis européenne (avec notamment l’Italie, très bien représentée, qui semble être un terreau fertile pour la nouvelle scène psychédélique). Au programme, ce soir, deux groupes qu’ils avaient déjà fait jouer sur Toulouse (The Jabberwocky Band et Appaloosa) et une formation danoise qui a fait son baptême du feu pour la ville de Toulouse : les très classe Tales of Murder and Dust.

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Une fois de plus, on peut constater un effort d’imagination bienvenu sur la décoration des lieux. Si on aime la PR, c’est surtout parce que l’association possède une vraie identité, et que son équipe artistique a toujours eu l’occasion d’associer un univers visuel très fort à la musique qu’ils programment. L’idée n’est pas juste de faire venir quelques groupes un peu connus, de mettre des coups de tampon sur les avant-bras et de tenir la caisse. On sent la passion et l’implication de leur comité graphique dans leur com’, et c’est assez rare pour être signalé. Pour cette soirée, la chouette qui ornait traditionnellement leurs flyers s’est vue matérialisée et accrochée au-dessus de la scène pour servir à la projection de textures (le videomapping dont parlait le flyer). L’effet est intéressant, et j’attendais vraiment de voir ça… Bon, pour être honnête, j’imaginais ça un peu plus impressionnant, mais l’idée reste vraiment cool, et ce n’est qu’un coup d’essai. C’est juste que l’équipe nous avait habitué à quelque chose de vraiment très prenant avec les projections à base d’eau, de peinture et d’huile, un système assez traditionnel sur les concerts psychédéliques… Mais justement, je les remercie d’avoir tenté ce nouveau truc, on va pas non plus rester dans les sixties éternellement, n’en déplaise à Phillippe Manoeuvre. La première vague du mouvement psychédélique avait, à la fin de sixties, cherché à faire des choses qui n’avaient jamais été faites. Pas sûr que copier exactement leurs méthodes, cinquante ans après, suffise à rendre un hommage convenable. Donc, il y a de l’innovation sur le light show, et même si ce n’est pas au point à 200%, c’est un point positif. Mais assez parlé de light show !

 

THE JABBERWOCKY BAND

Quand le premier groupe de la soirée, The Jabberwocky Band, ouvre les hostilités, on sent qu’on ne s’est pas trompé de soirée. Des déflagrations sonores hypnotiques, des riffs gonflés d’échos et un chant léthargique, on sait qu’on est là pour planer. J’avoue avoir raté une partie du set, trop occupé à aller dire bonjour à tout le monde à l’espace fumeur, mais ce que j’ai vu du set m’a semblé une bonne entrée en matière, et laissait augurer du meilleur pour le reste de la soirée. Les rouennais de Jabberwocky assurent le show et arrivent à capter le public, à les attirer dans leur univers, avec un son volontairement brumeux et brut de décoffrage.

icone bandcamp BandCamp de The Jabberwocky Band
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[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=CvFBrks0848[/youtube]

 

TALES OF MURDER AND DUST

Après ça (et quelques clopes plus tard), me voilà au premier rang pour l’entrée en scène de Tales of Murder and Dust (oui, j’ai du mal à m’empêcher de faire le geek en faisant l’inventaire des pédales d’effets des guitaristes que je vois, on s’occupe comme on peut ma bonne dame). Le son du groupe, moins brut, moins touffu mais pas moins échevelé que celui de la première partie, lorgne plus vers le post-rock, et les morceaux ont une autre ampleur. Tout aussi perché, mais un poil plus lent, plus mélodieux, plus réfléchi peut-être, avec des envolées de guitare assez sublimes et une rythmique bien soutenue.

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Les compositions sur disque valent le coup, mais prennent une autre ampleur une fois sur scène… On voyage avec plaisir en se laissant guider par le groupe, et ces satanés danois arrivent à nous emmener assez loin. Mais je m’arrête là avant de vous sortir les métaphores avec des drakkars. On n’est quand même pas en train de parler de black metal, que je sache ?

icone bandcamp BandCamp de Tales Of Murder And Dust
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[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=s0E7GhRusGk[/youtube]

 

APPALOOSA

Et finalement, Appaloosa est monté sur scène… pour nous mettre une grosse claque. Le clou de la soirée se présentait sous la forme d’un projet musical mutant, comme si Jimi Hendrix avait monté un groupe de hardtek entre deux tournées. Une machine de live, sans chanteur et surtout sans pitié. La formule est solide, l’alchimie est là, et si vous n’y étiez pas, je vous conseille le moment où ils repasseront par chez nous (allez, un an si on a de la chance). Je ne découvre pas tous les jours un groupe aussi novateur, un de ceux pour qui je suis déjà en train d’écrire le live report dans ma tête en les voyant sur scène, un groupe qui m’a fait envoyer des SMS aux copains absents pour les faire rager et garder une trace des quelques punchlines que je trouve sur le moment, en prévision de cet article. C’est rare, ce genre de groupes… Mais Appaloosa a été tout ça, ça, à mes yeux, sur la scène de la Dynamo (qui voit d’ailleurs un peu mieux son avenir se dessiner alors que je tape ces lignes).

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Appaloosa, c’est une bande de mecs qui vont à l’essentiel. Petite pensée alors qu’un nouveau morceau est amené par un sample bien connu de Bruce Lee (Be water, my friend) : ces mecs sont tous ceinture noire 3e dan dans l’art de nous scotcher sur place et de nous remuer les tripes. Une musique salissante, volontairement répétitive… La B.O idéale pour un film qui mettrait en scène une horde de rats zombies qui sortirait des égouts pour empêcher une ville de dormir. A ce stade de l’article, je me dis que je ne vous ai pas encore vraiment parlé de leur musique, même si j’en fais l’éloge depuis tout à l’heure. Il faut tout d’abord savoir que le groupe a adopté (plus ou moins volontairement, on l’imagine) un dress-code simple et efficace, à base de bonnets et de grosses barbes. A part le batteur, qui n’a sûrement pas envie de surchauffer, chaque membre du groupe a plus ou moins l’air d’un vigile péruviano-assyrien, si vous voyez ce que je veux dire. Sur scène, on est d’abord face à un batteur très carré, plutôt hargneux, qui imposera un rythme martial et sans faille tout au long du concert. Au fond se tient l’homme aux machines, occupé à commander à un ordinateur, un clavier et une poignée de samplers. Et enfin, de chaque côté de la scène, comme deux piliers, les deux bassistes. On verra souvent l’un ou l’autre se diriger vers le fond de la scène pour aller donner un coup de main sur les machines.

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=muUkai8jkGk[/youtube]

Le tout est bien huilé, hyper massif et plutôt agressif. Et sacrebleu, ça envoie du bois ! Pourquoi on a des guitaristes et des chanteurs dans les groupes, au fait ? Les deux bassistes s’occupent de nous cisailler la cervelle tout au long des morceaux, tandis qu’il devient difficile de ne pas headbanger gentiment sous l’effet de la batterie et des samples. On est quelque part entre le metal, le punk, l’electro… La salle est très réceptive, et le groupe est apparemment arrivé à conquérir des gens ayant pourtant des goûts assez divers. On est sans cesse à mi-chemin entre une ambiance punk assez crade, et un côté teuf électro franchement prenant. Il y a eu pas mal de rappels, et c’était difficile de les laisser filer après ça !

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Dire qu’il y a des mecs, qui, la même soirée, on claqué quatre fois le prix de l’entrée à la PR pour aller s’agglutiner au Bikini pour écouter de l’électro ? Oui, même si c’était Amon Tobin, que j’adore… Et que j’ai vu une seule fois en festival, même si j’étais trop bourré pour m’en souvenir. Enfin bref. En plaçant Appaloosa en tête d’affiche de leur soirée d’anniversaire, la PR gagne un des paris qu’elle s’était lancé : celui de rendre compte de l’évolution d’une scène qui se veut psychédélique dans l’esprit plus que dans les apparences. En gros, éviter de trop marcher dans les pas des patriarches du mouvement, ne pas se satisfaire d’un ersatz d’Hendrix ou de la première bande de hippies venue, qui se définirait comme les nouveaux Pink Floyd, les fils spirituels du Grateful Dead ou encore comme la réincarnation des Fab Four. Non, soyons sérieux. Les groupes qui se retrouvent programmés chez eux ont quelque chose de plus. Ils ont l’air d’avoir été choisis parce qu’ils ont tous une personnalité unique, et qu’ils ont été capables de prendre un peu de distance face à des mentors à l’ombre un peu envahissante. Bref, si tu te vois comme le digne successeur de Syd Barrett, envoie-leur une démo, on sait jamais… Mais ne viens pas pleurer s’ils ne répondent pas à tes mails.

icone page web Site officiel d’Appaloosa
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EN CONCLUSION…

Et pour finir, parce qu’il y a peut-être des gens du milieu qui lisent ça… J’avais déjà fait un peu de pub à She Hunts Koalas, groupe très lié à la Psychedelic Revolution (le bassiste du groupe, que je connais bien, est graphiste à la PR). Encore une fois, autant être clair : j’en parle juste parce que je n’ai rien à gagner ou à perdre dans cette histoire, et que c’est le fait d’aller à la soirée en question qui m’a donné envie d’écrire cet article. Cette association est une excellente chose pour la ville de Toulouse, elle met en avant un style que j’adore, mais qui me semblait très périlleux à programmer à un rythme aussi régulier (une vingtaine de concerts dans l’année, plus un festival de trois jours, ce n’est pas rien pour une asso qui débute). L’initiative est couillue, l’exécution pleine de bonnes idées, et en parler me semblait la moindre des choses. Longue vie à la chouette !

Crédits photo : Fennek Fox pour la Psychedelic Revolution.