Avec Toi plus Moi, si Grégoire devait passer son permis audio, il serait recalé à coup sûr : refus de s’arrêter quand on lui dit « Stop », grillage de priorité à des titres de qualité sur les ondes, stationnement prolongé sur les passages pour p’tits cons, ou encore circulation à contre-sens sur l’autoroute menant à Corbeilles, les infractions seraient nombreuses.

Il est de ces jingles qui nous restent dans le crâne dès l’instant où on les entend pour la première fois : la chansonnette de la Foir’Fouille (« A la Foir’Fouille tu trouves de tout si t’es malin…« ), celui de Conforama (« CONFORAMA *chuchoté* le pays où la vie est moins chère »), le fameux « On va fluncher! », ou encore 118-zéro-zéro-huit. Toi plus moi, c’est pareil. Elle entre, et elle n’en sort jamais. On l’entend partout. Des groupes Facebook de résistants se forment comme « Pour que Gregoire (Toi+moi) arrête de nous casser les oreilles » ou « Toi + Moi plus.. OH TG !« .

Force est de constater que la répétition et les paroles niaises peuvent plaire aux plus jeunes têtes blondes et aux gens bourrés, sur ce critère, Grégoire a frappé un grand coup à défaut d’avoir joué la qualité. Le temps d’une soirée, je me suis sacrifié à écouter en détail la chanson afin d’effectuer une petite étude de texte. Accrochez-vous bien c’est parti, bien que je sache pertinemment que vous, lecteurs, connaissez déjà malgré vous la majorité des paroles. Dites-vous bien que vous n’êtes pas les seules victimes de ce bourrage de crâne qui lui, contrairement aux jingles de pub, se vend. Et ceux qui ne veulent pas l’acheter, on leur fera écouter autrement. Oui, ce monde est cruel.

Toi plus moi plus ceux plus tous ceux qui le veulent

Plus lui plus elle et tous ceux qui sont seuls

Allez venez et entrez dans la danse

Allez venez et laissez faire l’insouciance

Jusque-là rien de nouveau, vous connaissez, une incitation à l’insouciance, appel lancé à tous les volontaires et les exclus de cette société égoïste et … insouciante. Premier glitch.

A deux à mille je sais qu’on est capable

Tout est possible tout est réalisable

On peut s’enfuir bien plus haut que nos rêves

On peut partir bien plus loin que la grève

Tout est possible, tout est réalisable. Publicité à peine dissimulée (ou très maladroite) pour la Matmut, qui doit être sponsor du titre. Nous avons un message d’encouragement, que l’on soit peu ou nombreux, nous sommes capable. Mais capable de quoi ? S’enfuir plus haut que nos rêves. C’est beau, c’est poétique, c’est bateau. Mais surtout, attention, capable de partir… plus loin que la grève. C’est une chanson engagée. On peut facilement imaginer Grégoire planchant sur son texte, il lui fallait trouver un mot rimant avec rêves. Y en a pas des masses. Mais « plus loin que la grève », un peu de sérieux, quoi. Deuxième glitch.

Je vous épargne le refrain répété entre chaque couplet, qui donne justement à ce titre sa si particulière caractéristique répétitive. Nous avions la musique qui tourne en boucle, nous avons la mélodie chantée qui tourne avec, et nous avons les paroles qui suivent. Nous sommes déjà entrés dans la ronde. Une ronde insupportable.

Je sais c’est vrai ma chanson est naïve

Même un peu bête , mais bien inoffensive

Et même si elle ne change pas le monde

Elle vous invite à entrer dans la ronde

Petite lueur de lucidité sur ce quatrième couplet, où l’interprète avoue que sa chanson est un peu bête. Merci. Il faut rentrer maintenant.

L’espoir l’ardeur prends tout ce qu’il te faut

Mes bras mon cœur mes épaules et mon dos

Je veux te voir des étoiles dans les yeux

Je veux nous voir insoumis et heureux

Sans doute à court d’idées sur des paroles de rassemblement et de fête, un constat s’imposait : ça manque de paroles sentimentales. Même si elles n’auraient rien à faire ici, ça ne ferait pas la chanson cliché parfaite. C’est chose faite donc, Grégoire s’adresse à une fille (ou un gars), on ne sait pas qui. Fini les rondes, les danses, les « on y arrivera ». Ici c’est l’égoïsme qui prime, être heureux tous les deux. Les autres des couplets précédents, on les emmerde.

On enchaîne par trois fois le même refrain pour bien ancrer la mélodie dans les esprits un peu moutonnisés et on obtient « Toi plus Moi », un titre révolutionnaire car financé par DES internautes (et non pas LES internautes comme je le lis partout, personnellement j’ai rien donné). Un autre crime parmi les nombreux commis sur internet.