2 ans après la sortie de son premier album Perdu D’Avance, le rappeur caennais Orelsan a sorti le 26 septembre dernier son deuxième opus Le Chant Des Sirènes. Précédé d’une bonne promotion web avant sa sortie, les amateurs ont pu obtenir en 5 titres (RaelsanPlus Rien Ne M’EtonneDouble Vie1990 et Suicide Social) et un clip monstrueux (celui de Raelsan, réalisé par David Tomaszewski), un avant-goût des 16 morceaux qui composent ce nouvel album. Attendu au tournant donc, suite au succès critique du premier album vendu à environ 10 000 albums (1), Orelsan a pris son temps pour cette nouvelle livraison. Le décor est resté le même et les personnages qui le peuplent n’ont pas bougé eux non plus. Seulement, depuis 2 ans, le temps a fait son travail, l’artiste lui a pris de l’âge et sur Le Chant Des Sirènes, les thèmes abordés deviennent plus personnels, plus réfléchis, l’évolution est assumée jusqu’au bout et finalement c’est toute son œuvre qui gagne en profondeur.

Orelsan, de son vrai nom Aurélien Cotentin, 28 ans, célibataire, rappeur. Deux années auront été nécessaires au Normand pour revenir sur le devant de la scène rap en France. Après avoir mis sa « ville de Caen sur la carte » et avoir engrangé, malgré la polémique, (au passage : « Merci les Chiennes De Gardes pour le coup de pute ! ») une belle notoriété auprès de la critique, la « deuxième livraison » a finalement fait surface.

Depuis le 26 septembre, bon nombre d’interviews d’Orelsan fleurissent un peu partout sur le net, à travers celles-ci, on retient à quel point ces deux années passées à travailler sur ce disque ont été importantes. Et cela se ressent dès la première écoute. Désormais, l' »adulescent » moyen du premier album, un peu galérien et désabusé, destiné à moisir dans sa ville où rien ne se passe, a grandi. Sans renier son premier projet, de toute façon il ne renie rien, pas même Sale Pute et il a bien raison. Dans une interview accordée à Rue89 (2), Orelsan déclarait : « J’ai le droit de faire cette chanson ». Désormais la démarche sera la même dans ce nouvel album. Suicide Social est certainement l’un des titres les plus violents et dépressifs de l’album (mis à part Elle Viendra Quand Même dans la même thématique). D’après une observation faite par son auteur à propos du manque de communication entre les personnes, Orelsan relate ici l’histoire d’un homme sur le point de se suicider (et pour ceux qui ne comprennent pas, on est dans une fiction hein !). Les raisons qui le poussent à ce geste resteront indéterminées, on devine pourtant un mal de vivre, un malaise profond, mais avant de franchir le pas, celui-ci s’en prendra une dernière fois à l’ensemble de la population française, crachant sur chaque catégorie socio-professionnelles son dégoût et son mépris à leurs égards.

Ici la violence est bien présente et jusqu’au-boutiste, cependant on remarque une différence dans l’écriture. Là où le « Orelsan du début » aurait poussé l’idée jusque dans l’excès et l’exagération comme c’était le cas pour le premier album (une avalanche de punchlines, phrases chocs et autres tournures devenues cultes pour les fans aujourd’hui), le Orelsan d’aujourd’hui choisit une écriture plus précise et simplifiée. Débarrassé de tout ce surplus qui, s’il le faisait gagner en style, le faisait perdre en sincérité. C’est l’une des principales différences qui montre l’évolution entre Perdu d’Avance et Le Chant des Sirènes. Si l’écoute du second peut décontenancer au début (pour peu qu’on se soit tapé le premier en boucle depuis deux ans et qu’on ait appris chaque couplet et refrain par cœur), au fur et à mesure qu’il se dévoile, on se rend compte que chaque mot est choisi avec minutie et cohérence. Le vocabulaire utilisé ainsi que les thèmes font sans cesse référence à l’univers de Perdu d’Avance, formant un pont, que l’on franchit sans appréhension, tant en-dessous de nous, le terrain nous semble finalement connu. Le plaisir, c’est de relever la tête et d’avancer en se demandant où l’on va nous emmener. Les soirées ratées sont toujours présentes, le malaise d’une génération aussi, les observations de son époque et les petits détails du quotidien qui nous font dire : « C’est exactement ça putain, trop fort ! »… tout y est. A cela, Orelsan, du haut de ses presque 30 ans maintenant, a non seulement inséré de nouveaux thèmes plus intimes (Elle Viendra Quand même), mais aussi actualisé les anciens en se détachant un peu du récit, portant un nouveau regard sur le monde qui l’entoure.

L’autre bonne surprise se trouve quant à elle dans la production. Skread, beatmaker et ami d’Orelsan depuis le lycée (il produisait déjà l’ensemble des morceaux du premier disque), confirme ici qu’il est l’un des producteurs les plus talentueux de sa génération.Il réalise une nouvelle fois l’album et pour celui-ci, il s’est entouré d’autres musiciens qui lui ont permis d’explorer de nouveaux horizons :  Mauvaise Idée, Finir Mal, Des Trous Dans La Tête, La Petite Marchande de Porte-Clefs… autant de productions originales (avec un plus pour Mauvaise Idée et son atmosphère dubstep bien lourde et vibrante comme on aime) qui viennent confirmer la vraie démarche artistique du projet, réussissant le pari d’offrir au public des productions de qualité tout en diversifiant les ambiances. À noter aussi la présence du duo espagnol Cookin Soul qui signe le titre Ils Sont Cools en featuring avec Gringe (deuxième moitié des Casseurs FlowteursOrelsan a su répondre aux attentes de son ancien public et même si tous les morceaux ne plairont pas à tout le monde, Le Chant Des Sirènes saura séduire de nouveaux briscards, venus se perdre de ce côté-ci de l’océan.

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(1) Chiffres tirés du site PureCharts.fr, voir ici
(2) Rap, amour et sexe : nos tendres quarante minutes avec Orelsan, interview publiée le 30 septembre 2011, voir ici

Photo : © MaxPPP

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