Petite rencontre avec Marcel et son Orchestre entre le dessert et le café, comme toujours avec les Marcels, c’est dans la bonne humeur et la déconne que se fait l’interview.

Bonjour, vous avez décidé d’arrêter l’aventure Marcel et son Orchestre, après vingt ans de carrière et sept albums, franchement, ce n’est pas un peu tôt ?

Mouloud : Bonjour, écoute, il y a des gens qui militent pour la retraite à soixante ans, nous on milite pour la retraite à quand on veut, voilà. Donc on a le pouvoir d’appuyer sur le bouton stop et je pense que l’on ne va pas se priver. Un peu tôt, je n’en sais rien. Il y a combien de groupes français qui ont tenu vingt ans, qui ont fait sept albums, qui ont fait deux fois les Eurockéennes, Les Vieilles Charrues, Les Francos ? Non, c’est bien. Plutôt que de tomber dans une sorte de routine, de facilité, on s’est dit : « Qu’est-ce qu’on n’a pas eu comme mauvaise idée ? Qu’est-ce qu’on n’a pas eu comme idée à la con ? Et si on se séparait ? Oui, d’accord. » (rire) Non, mais, l’idée c’est de se dire, bon voilà, on a fait un bel album, vraiment super. On va se faire une énorme tournée. Ça va être une sorte de happy end et pas un truc d’un groupe poussif, fatigué mais un groupe qui est en pleine possession de ses moyens, avec un chanteur qui n’est pas encore super amnésique.
JB : Ah bon ?
Thibal : Comment ça ce n’est pas toi qui chante ? (rire)
Tof : On n’a pas les moyens de s’acheter un prompteur, c’est pour ça.
Mouloud : Peut-être que c’est vrai… Si on avait les moyens d’acheter un prompteur au chanteur, on n’arrêterait pas. (rire)
Bouli : C’est notre côté militaire, la retraite dans les quarante ans. Cela nous paraît très bien.
Mouloud : Thibal, il veut s’engager dans la marine.
Thibal : Où est-ce que j’ai mis la brochure, au fait ?
Bouli : Et si vous étiez marin sans le savoir : Thibal.
Thibal : Je pense que je suis marin sans le savoir. Je suis boulonnais. Je suis déjà un peu marin.
Mouloud : Sauf que tu vas devoir manger du poisson.
Thibal : Tu crois qu’ils mangent que du poisson sur un bateau ?
Bouli : Non, mais ils en mangent de temps en temps.
Tof : Il n’est pas con, il mangera le riz ! (rire)

Avant d’arrêter, vous sortez un nouvel album, pourquoi ne pas avoir fait de chanson dépressive, c’est le dernier quand même ?

Mouloud : Et Le slow, c’est quoi ?
Thibal : Non, c’est vrai on a essayé mais ça nous faisait rigoler. (rire)
Mouloud : Attend, franchement :

« Je sais que je te plais
Tu sais que tu me plais »

Non mais franchement, même Gérard Manset n’a pas osé faire ça. Non, non, c’est une chanson dépressive.
Bouli : Je crois que tu n’as pas la même vision que nous (rire).
JB : Parce que même dans la dépression, on aime bien que cela soit un minimum joyeux.
Bouli : On est plus anticyclone que dépression.
Mouloud : On est des dépressifs ; on se cache derrière l’humour. Toute l’œuvre de Marcel et son Orchestre est une œuvre maniaco-dépressive.
JB : C’est le fruit de nos névroses (rire).

Sur la deuxième galette vous avez réorchestré et réenregistré certaines de vos chansons ; pourquoi ne pas avoir choisi la solution de facilité et de rentabilité en sortant un best of dans un an ?

Bouli : Mais il va venir le best of (rire). Et ça, c’est après, la grande question : c’est pourquoi un an ? (rire)
Mouloud : Après Marcel et son Orchestre on va inaugurer des Monsieur Meuble. On ne tournera que le dimanche.
JB : La Voix du Nord nous prête son camion-scène, en plus.
Mouloud : Ça au départ, c’était une récréation cette histoire.
Thibal : Il était prêt, il y a deux-trois ans. Comme on l’avait, pourquoi ne pas le donner en même temps que le disque ? Et c’était des versions vraiment différentes en plus…
Bouli : Et tu parles toi ?
Thibal : Ah merde ! (rire) Excusez-moi. Tu finis, finis, finis.
Mouloud : Ah mais je suis désolé, le comité central ne t’a pas donné la parole, aujourd’hui, camarade.
Bouli : Mais qui tu es pour parler comme ça au poste ?
Thibal : J’ai lâché des infos ?
JB : Il boit du jus de fruit, voilà ce que ça donne…
Mouloud : Ouais, c’est un exercice que l’on faisait en répète, on trouvait que c’était amusant de se détourner. Tu vois les morceaux punk-rock devenaient country, les morceaux reggaes devenaient bossa, ou inversement. C’était amusant de faire des pieds de nez, comme on en a toujours fait. Et puis, effectivement, on avait ces titres un peu dans un cartable, on en a joué quelques-uns sur scène, à un moment pour les dix ans d’un festival qui s’appelle Les Enchanteurs. On a fait : dix ans, dix concerts, où l’on jouait dans des toutes petites salles. Tu vois comme dans tout le parcours de Marcel et son Orchestre, tout est vraiment réfléchi et tout, t’imagines… Bon voilà, on l’a fait à l’envie, sans se poser de question et je pense que l’on va s’arrêter comme ça sans se poser de questions. Si on s’en posait, on serait peut-être mal à l’aise.

Pourquoi avoir attendu le dernier album pour mettre votre photo sur la pochette ? Vous n’avez pas trouvé de dessinateur pour vous en faire une ?

James : Ben, si moi, mais…
Bouli : James s’était proposé
JB : Le jour où il fallait la faire ; il a oublié ses feutres (rire).
Bouli : Plus ça avance plus les dessinateurs ont du mal à nous mettre en valeur (rire).
Mouloud : Ouais, ils disent : « Attends, je ne peux pas te faire sans un bide » (rire). Et après ils ont du mal à raboter le nez de JB, tout ça devient impossible, les oreilles de James
Bouli : Déjà, Charb avait été sympa, il avait dit : « Bon, je veux bien vous faire une pochette (pour Bon chic… Bon genre !) mais je ne vous dessine pas. Il y a quand même des limites. »
Mouloud : Ouais, c’est vrai que c’est la première fois où il n’y a pas d’auteur de BD…
JB : Et c’est bien.
Mouloud : Mais oui, voilà, c’était l’idée de changer. On l’a beaucoup fait.
Bidingue : Et puis c’est les habits du dimanche pour la dernière fois.
Mouloud : Voilà, c’est ça.
Bouli : Pour la fin du monde.
Tof : Un peu de classe et de savoir vivre.
Mouloud : Et finalement, Les Forbans ont arrêté. Ils ne savaient pas quoi faire de leurs fringues. On les a eu à pas cher. (rire)
Bouli : Ils ont dit : « – Ouais, mais vous les mettez en valeur. – Ok. »
Tof (avec l’accent du Sentier version cinéma) : Tu sais combien on les a acheté : rien du tout.
Thibal : Ils ont dit c’est cadeau.
Tof : Ça fait plaisir… (rire)

Est-ce que vous vous êtes inspiré de Johnny, LE grand spécialiste de la tournée d’adieu depuis dix ans, pour la vôtre ?

Bidingue : Il y a Aznav’, surtout Aznav’, c’est le meilleur !
Mouloud : Le vrai spécialiste c’est Aznav’ !
James : Les Scorpions sont pas mal aussi dans le genre.
Mouloud : Les Scorpions aussi ! Non, c’est vrai, on a fait une première tournée d’adieu…
Tof : C’était bien précisé première tournée d’adieu.
Mouloud : Et là c’est ‘LA’ Tournée d’adieu. Honnêtement, il n’y a pas d’envie d’aller plus loin que décembre. Maintenant ! (rire) Si on s’oblige les uns les autres.
Tof : Si vous vous abonnez maintenant !
Mouloud : Non, mais voilà, on sait que l’on ne tournera plus sous cette forme : quatre-vingt, cent concerts, avec sortie d’album, etc. C’est vrai et je pense qu’on a besoin d’une vraie pause et de se dire :  » Finalement, je l’aimais pas mais il me manque quand même. ». Donc on attend un peu ça.
Bouli : Ce gros con.

Et toutes ces femmes à vos pieds pendant vos concerts, cela ne va pas vous manquer ?

Mouloud : Non, on les préfère dans le lit !
Bouli : Le problème c’est que, pendant les concerts, on a d’autres trucs à foutre (rire).
Mouloud : Donc, on arrête la musique pour s’occuper pour pouvoir s’occuper des femmes qui sont à nos pieds !
Bouli : Voilà, exactement.
Mouloud : Il y en a quelques-unes…
Tof : Le concert est fini, elles sont déjà parties.
Mouloud : Et ouais, voilà, comme aujourd’hui, les concerts, c’est en train de devenir des séances de cinéma où tu dis :  » P’tain, c’est vrai que apparemment la fille là je lui ai plu et tout « , tu sors de scène, la sécu l’a viré. Donc faut changer de métier, donc faut faire je ne sais pas… James va ouvrir un magasin de lingerie.
James : Non du tout, moi je suis un copain de Dédé la saumure et j’ouvre deux – trois boites sur la frontière belge. (rire)
Mouloud : Alors, qui ouvre un magasin de lingerie ? Tof ? Bidingue ?
Bidingue : Non, moi je vais faire comportementaliste pour chiens.
Mouloud : Ah, oui, c’est vrai.
Thibal : Comportementaliste pour chiens…. (rire)

Après les Marcels, vous avez l’intention de vous la couler douce ?

Mouloud : (rire) On ne peut pas.
Thibal : C’est déjà fait ça (rire).
Mouloud : On peut avoir l’intention de se la couler douce, les moyens, je ne sais pas. Ce n’est pas pareil.
Tof : Faut y réfléchir.
Mouloud : L’intention, ouais…
Bouli : On voit bien que tu méconnais les comportementalistes pour chiens, c’est un boulot très prenant.
Tof : Avec tout le pognon que l’on a franchement…
Mouloud : Tu vois, on a mené cette histoire sans plan de carrière et on la finit sans plan de carrière. On pourrait encore faire Marcel et son Orchestre pendant quinze ans sauf que je pense que là où on est, c’est vachement bien et on n’a pas envie de faire un groupe vieillissant. Je crois qu’il y a de ça, il y a de la pudeur aussi par rapport à ça. Il y a un peu de se dire : « Marcel et son Orchestre, quel groupe de live, quelle énergie, quel etc. « . Voilà. Je pense que l’on ne va pas tricher et s’assoir sur une recette pendant des années. Il faut aussi se mettre en danger, alors on ne sait pas bien comment ça va aller après.
Thibal : Là, ça fait vingt ans que l’on fait du culturisme, faut que l’on arrête, on ne peut plus.
Mouloud : Regarde, Thibal, il se remet à la mousse au chocolat.

Une question me travaille depuis un moment : si ça tombe, les Marcels ce sont des grands dépressifs à tendance suicidaire ?

Bouli : Maniaco-dépressif à tendance suicidaire !
Bidingue : C’est ce qui était écrit sur mon truc de P5 à l’armée (rire).
Thibal : Oui, il y en a beaucoup qui ont été exemptés pour ça.
Mouloud : C’est vrai.
Bouli (aux autres membres du groupe) : Qui a été exempté pour ça ?
JB : J’ai fait la guerre, Monsieur !
Mouloud : Non, mais, je pense que dans toutes les chansons, effectivement, il y a de ça. C’est-à-dire, les Marcels, c’est quoi ? C’est la grande aventure de monsieur et madame nous tous avec les difficultés pour garder la tête hors de l’eau, avec la difficulté à patauger un peu dans le quotidien. C’est vrai que l’on enrobe ça de musique un peu joyeuse, enthousiaste. Mais c’est ce que l’on disait depuis longtemps : les pays où tu as le plus de difficultés à vivre sont les pays qui t’envoient les musiques les plus heureuses. C’est l’Amérique latine qui a envoyé la Salsa. Et les pays où il y a le plus de confort de vivre, comme la Suède, sont les pays qui ont fait la musique la plus dépressive. C’est très étonnant quand tu mets les choses en perspective comme ça. Nous, on vient du Nord Pas De Calais… (rire)

Ne me regarde pas comme ça.

JB : Donc on fait de la musique dépressive.
Thibal : Choisi ton camp… (rire)
Bouli : Tu fais la déduction que tu veux.
Thibal : Choisi ton camp : Cuba, Norvège…
Tof : On est un peu entre les deux.
Mouloud : Mais, il y a cette idée de rire à la gueule de nos peurs. Et on sait d’où on vient. On vient d’un milieu plutôt populaire. On sait très bien la difficulté que l’on peut avoir à affronter une semaine, à affronter le quotidien, à affronter les paperasses, le courrier, les factures, etc. Et à un moment, tu dis : « P’tain, les mecs, ils savent tout ça. » Alors si on vient sur scène et qu’on leur parle de nos nombrils : « Oui, tout ça, ce n’est pas juste, je me suis coupé un ongle. Ce n’est pas juste mes parents ne sont pas divorcés. Ce n’est pas juste ma mère ne se drogue pas. » A un moment tu dis :  » ça va. ». A un moment, il faut avoir un peu de retenue et puis te dire : « Ben ouais, moi je te propose un exutoire. ». Le Rock’n’roll, au départ, c’est ça, c’est un exutoire, c’est quelque chose de libérateur, un truc compulsif. Et je pense, que l’on a gardé cette énergie du Rock’n’roll des origines et l’idée de mettre un peu de : on est en France, on met des paroles, on est amoureux de Pierre Perret, on est amoureux de Souchon et d’essayer de mettre tout cet univers-là dans du Rock’n’roll. Donc est ce que c’est dépressif ? Non, non, disons qu’on a l’espoir du désespéré.

Et une dernière question, aujourd’hui, tous les coups sont-ils vraiment permis ?

Mouloud : Est-ce que tu as la télévision? Est-ce que tu achètes des journaux de temps en temps? Est-ce que tu peux penser autrement alors? Voilà, tu vois. Et c’est désespérant, bien sûr. Mais en même temps, ça c’est la réponse. Mais c’est d’abord Dans la joie jusqu’au cou. C’est-à-dire qu’ils ne vont pas nous mettre à genoux, on va leur rire à la gueule. On va leur rire à la gueule et tous ces gens, qui font la fabrique du renoncement, de l’inéluctable, peut être que nous on va leur vendre un grand éclat de rire. Parce qu’un grand éclat de rire, c’est de l’espoir, avant tout, et je pense que si on savait rire à la gueule des dictateurs, des Marine Le Pen, etc., peut-être qu’ils se dégonfleraient comme des ballons de baudruche et elle ne bomberait plus le torse en croyant être une menace. Je pense que nous le principe c’est vraiment de rire à la gueule de nos peurs. Et, à un moment, quand tu mets les choses en perspective, tu dis : « Bon, ça va, le danger qui t’es présenté, tu le prends ou tu ne le prends pas. « . Il y a moyen de ne pas le prendre, il y a moyen de continuer à dire : « Ben, oui, un autre monde est possible. « . Bien sûr que oui, voilà et on a chanté ça. Effectivement, on ne va pas le cacher, il y a une part de cocos dans le groupe. Bien sûr et on ne s’en cache pas, on n’a pas honte de ça. Et on n’est pas honteux d’avoir des valeurs, en aucun cas.

Merci.

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