Deux mois. C’est le temps écoulé depuis la sortie du dernier album de Saez, Messina. C’est le temps qu’il m’a fallu pour écouter, apprivoiser, digérer ce triple album avant d’en rédiger une chronique. Parce qu’un nouvel album de Saez, c’est toujours un moment un peu inquiétant : est-ce qu’il a changé, ou chante-t-il toujours l’amour, la rupture, la mort, la société ? Rock ou acoustique ? Est-ce qu’il fera de la promo ce coup-ci ? Que des questions fondamentales donc, qui font que j’attends chaque nouvel album avec un mélange d’impatience et d’appréhension depuis plusieurs années.

Messina, ça fait deux ans que la saezosphère l’attendait impatiemment (ou ne l’attendait plus). Depuis octobre 2010 précisément, date à laquelle le disque, qui aurait dû être le second volet de J’accuse, avait été annoncé. Et finalement, on aura été récompensés pour notre patience, puisqu’on a droit à un triple album. Ceux qui connaissent un peu Saez savent que ce n’est pas son premier triple album, mais celui-ci est quand même moins déprimant que Varsovie-L’Alhambra-Paris, il faut bien l’avouer.

Autant le dire tout de suite : Messina est une vraie claque. Dans ce triple album, il y a de tout : du Brel, du Ferré, du Mano Solo, mais aussi du tango (Les meurtrières, Aux encres des amours), des arrangements type « cinéma » rappelant les plus grands succès du cinéma classique qui font qu’on a parfois l’impression d’être en train d’écouter la BO d’un film de la MGM (Marie, Le bal des lycées, Aux encres de nos amours, Bouteille à la mer). Un album très dense, très complet, peut-être le plus abouti de Saez. Peut-être aussi son meilleur à ce jour (m’enfin, on dit ça à chaque nouvel album ou presque, alors…).

Un album tellement abouti et complexe que je ne sais pas trop par quel bout commencer pour vous en parler. Trois CD, trois parties, trois ambiances : Les échoués ouvre le bal, sombre mais pas forcément dénué d’espoir ; vient ensuite Sur les quais, résolument rock et dont la plupart des titres promettent de bien bouger en live ; Messina est quant à lui plus intimiste, plus triste aussi. Quand je me suis attelée à cette chronique, je pensais détailler chaque CD, chaque chanson. Et puis je me suis dit que ça serait vite chiant, vu le nombre de chansons 😉 Je vais donc parler surtout de mes titres préférés, en espérant que ça suffise à vous convaincre d’aller jeter une oreille sur cet album ! Chaque CD a ses particularités et ses perles, personnellement j’ai une petite préférence pour Sur les quais, car ce que j’aime chez Saez ce sont surtout ses titres rock ; l’acoustique et les lamentations, j’aime bien aussi mais au bout d’un moment c’est un peu déprimant, faut l’avouer 🙂

Dans Les échoués, Saez aborde le thème de la société qui nous broie (Fin des mondes, Les échoués, Faut s’oublier, Les fils d’Artaud, A nos amours), mais parle également de ses chagrins d’amour (Betty, Marie, Le gaz). L’album s’ouvre sur Fin des mondes, chanson très sombre avec une batterie lourde et pesante, qui monte en puissance tout au long de la chanson, à la façon d’un tambour de guerre. Saez attaque fort en posant un regard amer sur la société de consommation et sur ses concitoyens, et Fin des mondes semble être une réponse aux Anarchitectures qui ouvrait J’accuse, et qui laissait la même sensation d’oppression une fois la dernière note achevée. Surprise de taille, Marie, connue depuis 2005 et la mini-série de concerts que Saez avait donné aux Bouffes du Nord, est présente sur l’album, en version studio complètement réorchestrée.

 Sur les quais est beaucoup plus rock, les arrangements bougent beaucoup plus, et ça fait plaisir d’imaginer ce que ça va pouvoir donner sur scène. Marianne a des accents punk et notre « chère » République en prend pour son grade. Dans Sur le quai, le chagrin d’amour devient règlement de comptes, et si sa nana l’a largué pour un soldat, qu’à cela ne tienne, Saez se fait Légionnaire (alcoolique et mal élevé, en plus !) sur le titre suivant. L’alcool et les filles faciles pour se consoler, sur fond de musique militaire sentant les bordels crasseux où les soldats vont dépenser toute leur solde pendant leurs permissions, la recette n’est pas nouvelle chez Saez. Toujours les filles faciles, mais virtuelles cette fois-ci dans Sur les webcams de nos amours, version trash et moderne des amours à distance et à sens unique : Lui espère, Elle s’en fout. Réminiscence, voulue ou non, de Regarder les filles pleurer, les deux chansons semblent pourtant se répondre sur le thème des filles qu’on regarde mais sans pouvoir les toucher, l’idiot du village de J’accuse est devenu un pigeon anonyme perdu dans les méandres du cyber-sexe dans Sur les quais. Ma petite couturière n’est pas vraiment une inconnue, puisque le titre a été offert en téléchargement peu de temps après la sortie de J’accuse. Les arrangements rock servant des thèmes plutôt sérieux tout au long du CD (ce qui ne m’empêchera pas de sautiller partout pendant les concerts 🙂 ), la légèreté de Planche à roulettes est bienvenue. Saez a de nouveau quinze ans et se prend pour le chevalier blanc sur son skateboard, c’est rigolo 🙂 Le CD se finit sur Rois demain, plus calme et posée, qui annonce la couleur pour Messine.

Messine, troisième et dernier CD, est aussi le plus sombre et le plus amer. Saez poursuit sa thérapie et crache son venin, mais aussi son espoir. Les chansons sont plus calmes, seules quelques-unes (Messine, Les magnifiques) ont des arrangements qui bougent un peu. Si ce CD parle beaucoup d’amour – ceux que Damien a perdu, ceux des autres qu’il regarde et qu’il envie (Les magnifiques)-, il parle aussi d’amitié (Ami de Liège, Le bal des lycées). Gros coup de cœur pour Les meurtrières, dont je suis tombée amoureuse grâce à « Et si deux tours manquent à New York / Mon amour toi tu manques à moi « , on est une midinette ou on ne l’est pas hein 🙂  Après avoir évoqué Les cours des lycées dans J’accuseSaez passe à un autre stade de la vie d’adolescent avec Le bal des lycées, ou plutôt sur le regard qu’on porte sur ces années une fois qu’on a poursuivi notre route et qu’on est adulte : on regrette un peu l’insouciance de cette époque, mais on sait que c’est du passé et qu’on ne pourra pas remonter le temps. L’album se clôt sur Châtillon-sur-Seine, qui est peut-être la chanson la plus intimiste de Saez à ce jour, celle où il se livre le plus, en rendant hommage à deux personnes qui l’ont aidé à se construire et qui l’ont marqué : Nelly et Bruno.

 

La tournée débutera dans quelques jours, et j’ai vraiment hâte de voir Saez défendre son album sur scène, rien que pour voir quelles surprises les lives vont nous apporter !

 

Tracklist :

CD 1 – Les échoués :

  1. Fin des Mondes
  2. Les échoués
  3. Betty
  4. Marie
  5. Faut s’oublier
  6. Les fils d’Artaud
  7. Le gaz
  8. Into the wild
  9. A nos amours

CD 2 – Sur les quais :

  1. Marianne
  2. Sur le quai
  3. Légionnaire
  4. Webcams de nos amours
  5. Ma petite couturière
  6. Je suis un étranger
  7. Planche à roulettes
  8. Rois demain

CD 3 – Messine :

  1. Thème – Quais de Seine
  2. Aux encres de nos amours
  3. Messine
  4. Les magnifiques
  5. Les meurtrières
  6. Bouteille à la mer
  7. Ami de Liège
  8. Thème – Aux encres de nos amours
  9. Châtillon-sur-Seine

 

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 Merci à mes deux relecteurs pour leur aide, c’est grâce à eux que cette chronique n’est pas trop indigeste 🙂