Envoyer une chaise à travers la gueule d’un de ses professeurs d’école, débuter un album avec l’une des introductions les plus vulgaires de l’histoire de la musique anglaise (« This is my time now you get me ? Fucking cunts !« ) et raconter l’histoire d’un tueur en série de 14 ans, Plan B en est capable.
Difficile à croire pourtant lorsque l’on voit Benjamin Drew, 27 ans, gueule d’ange en costume trois-pièces, agripper son micro de crooner et jeter dans les airs ces cris félins dont seuls les « soulmen » de la Tamla Motown ont le secret.

En avril dernier, ce londonien originaire de Forest Gate (à l’est), a sorti The Defamation Of Strickland Banks. Un album-concept où le personnage, Strickland Banks, en référence à un de ses premiers noms de scène Strickly B, se voit injustement envoyé en prison à la suite d’une sombre histoire de viol impliquant une groupie un peu dérangée. L’album s’est placé numéro 1 des charts anglais avec plus de 500 000 albums vendus. C’est maintenant la France qui s’intéresse au phénomène Plan B et à celui responsable de toute cette excitation, Benjamin Paul Ballance Drew.

Invité des plateaux de Michel Denisot, pour Le Grand Journal et de Nagui dans Taratata, celui que la presse anglaise a nommé le « Eminem anglais » depuis la sortie de son premier objet Who Needs Actions When You Got The Words, va devoir trouver un nouveau surnom au « geezer » UK. Avec ce nouvel album Plan B ne jappe plus à tout va et sur n’importe qui comme chien fou. Il baisse le ton et ouvre grand sa gueule pour feuler fièrement avec toute sa prestance.
Plan B remercie Eminem pour avoir brisé les frontières entre blanc et noir au sein du hip-hop. C’est grâce à son succès qu’il a pu commencer à rapper et trouver un public en Angleterre. Il pourrait aussi remercier Elvis d’avoir permis au blues de connaître le même destin et pour lui aujourd’hui, de pouvoir se sentir à l’aise avec ce style.

The Defamation Of Strickland Banks est un coup d’essai pour le jeune chanteur au sein de la « soul music ». Et quel essai ! Pas parfait mais presque. Morceaux après morceaux, on le suit, on le piste même, marchant dans ses pas, juste quelques mètres derrière lui, et l’on observe. Tapis dans l’ombre, on écoute sa jeune voix un peu efféminée tâter les coins pour remplir l’espace et en révéler chaque centimètre carré. On découvre ensemble cet univers encore nouveau pour lui et on se laisse aller. Et une fois la lumière faite dans la pièce, une fois à l’aise, il ne reste plus pour Plan B qu’à libérer son énergie et tirer sur les octaves pour nous convaincre (voir Stay Too Long ci-dessous).
C’est que Plan B, même si sa voix lui fait encore un peu défaut dans ce style (la faute à des années d’inactivité), renoue avec cette musique des années 50-60, à la fois classe et entraînante, aux mélodies soignées et à l’émotion jaillissante, tout ça dans un style très cinématographique qui rappelle les vieux films noirs américains (ce qui n’est pas anodin puisque Plan B compte réaliser un film tiré de l’album).

Plan B a toujours cherché à être à l’aise dans (voire avec) sa vie. Élevé par sa mère lorsque son papa punk-rockeur s’est barré (le petit Ben avait alors 6 ans), il a grandi au milieu d’une classe ni pauvre ni moyenne, le cul entre deux chaises comme on dit, et le sentiment d’être exclu d’un système où, en tant que personne, il ne comptait pas. Benjamin fera donc les conneries qui résultent de ce constat.
Jusqu’à ses 18 ans il n’était pas à l’aise non plus avec sa voix. Chanter de la soul, il n’y croyait pas. Il fallait d’abord capter l’attention et, n’est-ce pas le rôle du hip-hop que de tendre la parole aux personnes qui n’arrivent pas à se faire entendre ?
Après son premier album et son titre qui résume à lui seul ce qui vient d’être dit plus haut (Who Needs Actions When You Got The Words), Benjamin Drew a enfin réussi à capter l’attention. Aujourd’hui on l’écoute, il compte aux yeux des autres et se sent plus à l’aise. Plus à l’aise avec les autres mais aussi avec lui-même. Il n’est plus seul, assis là, en marge d’un système qui l’ignore à attendre que quelqu’un ou quelque chose vienne le tirer de là. Sa musique lui a permis de capter l’attention et d’exister.

Quelques années plus tard Plan B a encore grandi et vit maintenant entouré. Entouré par ses amis, sa famille, ses musiciens mais surtout par son public. Il peut maintenant se laisser aller à ses envies, se faire plaisir et nous avec lui. On est heureux de le voir exécuter ses premières pirouettes vocales devant nos yeux. Le tout ne sonne que plus vrai et sincère à nos oreilles attentives et nous laisse rêveur quant à la suite.

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