Ma déclaration d’amour à Mike Skinner

C’est une page du hip-hop anglais qui vient de se refermer. Voilà que nous quitte, après 10 années d’activité, l’un des artistes les plus importants de la scène hip-hop anglaise. Il l’avait annoncé depuis un moment déjà et confirmé plus récemment dans un entretien consacré au Guardian (pour ceux qui parlent un peu anglais, voir ici). Voilà, après 10 ans de carrière et 5 albums studio, Mike Skinner a décidé de mettre un terme aux activités de son alter-ego, The Streets. En ce lundi 14 février, jour de Saint-Valentin, l’occasion était trop belle pour ne pas en profiter, et lui déclamer ma flamme à travers un dernier une dernière chronique !

Lorsqu’il a sorti en 2001 son premier disque, Original Pirate Material, le jeune Skinner venait de révéler au monde son immense talent de parolier et son goût pour les bidouillages électroniques. Avec une aisance et un don presque insolent pour trouver des mélodies uniques, mélangeant les genres à outrance, Mike Skinner venait de réinventer un style : un hip-hop qui tire beaucoup vers la pop et absorbe au passage tout ce que la scène anglaise a pu produire de meilleur ces dernières années. L’accent cockney du rappeur et son flow inimitable ont ensuite, fait le reste. Depuis, la consécration est passée par là, à chaque nouvelle sortie, la critique est au rendez-vous et n’oublie pas de rappeler au public à quel point l’influence du jeune anglais est importante.

Alors quand il annonce en 2010 que le nom de The Streets va s’éteindre afin de se consacrer exclusivement à d’autres domaines comme, notamment, le cinéma, l’information est relayée mais l’auditeur se bouche les oreilles. Malheureusement il faut voir la vérité en face : « tout ce qui a un début a une fin » disait-on dans Matrix. Et la fin, c’est Computer & Blues, son dernier album, qui la raconte.

Une galette qu’on attendait sans attendre donc, comme un cadeau empoisonné. Quand je la reçois dans ma boite au lettre, je me dépêche vite de la déballer, je l’écoute en long et large et là, quand la dernière piste Lock The Locks se termine (en plein milieu d’une note, très frustrant, mais l’effet est voulu) je me dis : »Merde… c’est fini. » Les dernières paroles de The Streets sur cet album auront été : « I’m packing up my desk / I’ve put it into boxes / Knock out the lights / Lock the locks and leave… » (Je vide mon bureau / Je remplis mes boites / J’éteins les lumières / Je verrouille derrière moi et pars). Une image très cinématographique et qui marque les esprits ; le héros quitte la pièce désormais vide et les lumières tour à tour s’éteignent, laissant le spectateur seul face à lui-même… On ne pouvait espérer mieux pour mettre un point final à cette aventure musicale.

Heureusement, les œuvres des artistes contemporains sont devenues, grâce à l’invention de l’enregistrement, des œuvres intemporelles et l’émotion que l’on a fixé dessus peut être désormais, re-vécue indéfiniment. Alors après avoir encaissé le choc, je remonte chacune des pistes et redémarre à partir de Outside Inside, suivi par le terrible Going Through Hell, second morceau de ce disque testament. Dans Computer & BluesThe Streets continue avec la formule adoptée sur Everything Is Borrowed il y a trois ans, à savoir un hip-hop décomplexé, qui embrasse très fortement la pop. Ce qui fait la différence ici, c’est l’émotion qui transparait à travers chaque morceau. Entre légèreté et gros coups de blues, The Streets, éternel dépressif, pessimiste quant à la condition humaine raconte les petites histoires de la vie en y apportant toujours une universalité et une résonance toute particulière (Roof Of Your Car, Blip On A Screen, OMG). On retrouve aussi cette ironie qui participe au goût si spécial que dégagent ses textes. Une ironie, ou en tout cas, un décalage que l’on trouve aussi dans ses compositions : funk et pleine de groove pour les passages les plus sérieux. The Streets joue avec les émotions, appuyé par quelques featurings bienvenus sur les refrains (d’ailleurs ceux de Soldiers et OMG sont absolument magnifiques ) et atteint ainsi son objectif : faire vivre à son auditoire les histoires qu’ils racontent.

Mike Skinner en faisant ses cartons laisse désormais un grand vide, même s’il a quand même laissé la porte ouverte aux autres derrière lui. Un vide qui sera très difficile à combler. Qui va nous raconter le quotidien de ces classes moyennes, de ces jeunes paumés, ces déclarations d’amour lancées aux stars de la télé… ? Celui qui chantait il y a encore quelques années, avant de devenir célèbre : « I make bangers not anthems » (Je fais des chansons, pas des hymnes) doit se rendre à l’évidence, le personnage a dépassé l’homme. C’est à ça que l’on reconnait les légendes…

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[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=fmfpm_npbSs[/youtube]

Tracklist :

  1. Outside Inside
  2. Going Through Hell
  3. Roof Of Your Car
  4. Puzzled By People
  5. Without A Blink
  6. Blip On A Screen
  7. Those That Don’t Know
  8. Soldiers
  9. We Can Never Be Friends
  10. ABC
  11. OMG
  12. Trying To Kill M.E.
  13. Trust Me
  14. Lock The Locks

Site Officiel
Myspace
The Streets sur Désinvolt
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