Avec Ghost People, le hollandais Martyn, aujourd’hui exilé à Washington, établit une excitante cartographie de la bass music à travers le monde. Martijn Deijkers livre là un deuxième opus moins personnel que Greats Lenghts mais toujours animé par l’envie de partager ses collections, avec en prime beaucoup de clins d’œil aux grands noms ainsi qu’aux pionniers de l’électronique qui l’ont influencé.

Il faut être bien armé pour s’attaquer à un morceau comme Martyn. L’accroche peut faire peur c’est vrai, mais autant en être avisé dès le départ. Son univers s’inscrit dans des histoires et des cultures bien précises, celles des raves et du clubbing, de la nuit et des dancefloors, définies par ses codes et racontées par des acteurs qui répondent aux noms de Carl Craig, Derrick Carter, Kevin Saunderson, Photek, Commix (et tout le label Metalheadz) ou encore Kode9. Bien que définitivement ancré dans l’inconscient collectif, ces derniers ne jouissent plus aujourd’hui que d’une reconnaissance critique, même si certains arrivent toujours à se produire dans de grands clubs, ainsi qu’à poser leur nom sur l’affiche de prestigieux festivals dédié au genre. Fondateurs de la house de Chicago, de la techno de Détroit ou encore pionniers du dubstep et de la scène UK garage aujourd’hui, la majorité de leur héritage discographique ne fait plus le bonheur que des puristes et de quelques oreilles égarées.

Pas facile donc à la première écoute d’aborder l’objet sans en ressortir un peu désorienté. « Back to the roots« , clamait Martyn à propos de ce nouveau disque. Ses racines, c’est chez tous ces artistes précédemment cités qu’il est parti les chercher. Ghost People leur est dédié. Pour autant, l’ensemble bien que ultra-influencé reste fidèle à sa mission première et n’oublie pas son public. Créatif et toujours ouvert à de nouvelles expérimentations, comme le prouve sa signature récemment ajoutée au beau tableau de chasse du label américain Brainfeeder, le producteur nous sort onze titres calibrés pour la scène et les clubs.

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En véritable éponge, Martyn connaît ses classiques sur le bout des doigts. Il a parfaitement intégré l’essence de ces musique pour mieux la réinvestir dans ses productions. Entre ses deux albums, le producteur aura eu le temps de peaufiner son style. De la techno de Détroit, il en retient ce mélange de structures froides et métalliques accolées à des textures sonores aux tons chauds et lisses (Ghost People). De la house de Chicago, il conserve le groove, l’épurant au maximum pour tomber la plupart du temps tout entier dans la deep house. La force de sa musique est qu’elle reste encore animée par l’euphorie et l’imagerie évocatrice d’une époque contenues en elle. À ce titre, Masks ressort comme l’un des morceaux les plus envoûtants de l’album, la parfaite fusion entre tous ces genres : une ligne de basse chaude et répétitive sur laquelle Martyn va chercher à provoquer la transe, tout en progression.

On s’imaginerait presque plongé au coeur des années 1980, perdu dans le club du Paradise Garage aux États-Unis, de l’Hacienda ou du Studio 54 à Londres. Et pourtant, les rythmes fouillés et syncopés de Twice As ou les ambiances futuristes de Bauplan ou du parfait We Are You In The Future sont là pour nous réveiller, droit dans nos pompes en 2013. Martyn revisite les genres pour mieux les actualiser, renoue avec une certaine vision du dancefloor à l’heure où tous les deejays nous noient sous une avalanche de basses et de décibels inaudibles. Intelligent sans être élitiste, pour peu qu’on fasse l’effort d’accepter son invitation, Ghost People se révèle être un pur plaisir d’auditeur de bout en bout.


Tracklist:

  1. Love And Machines (ft Spaceape)
  2. Viper
  3. Masks
  4. Distortions
  5. Popgun
  6. I Saw You At Tule Lake
  7. Ghost People
  8. Twice As
  9. Bauplan
  10. Horror Vacui
  11. We Are You In The Future

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3024, site du label fondé par Martyn
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