De tous les concerts qui ont marqué ma route « Saezienne » s’il n’y avait eu qu’une chanson, ç’aurait été celle-ci. De tous les albums, si je ne devais choisir qu’une seule chanson, capable de me retourner à chaque écoute, ce serait elle. Des frissons imperceptibles, des émotions cachées qui remontent, et les larmes qui naissent, comme si elles attendaient, là, cachées, d’entendre cette étrange poésie, aux relents de Baudelaire.

Cette chanson n’a pas grand chose de musical, elle est même molle en live, alors que sur l’album, elle pose son ambiance, elle surgit de nulle part. Damien S. peut aussi bien l’interpréter seul, a cappella, au piano, ou avec ses musiciens, entre deux gros morceaux qui bougent, devant un Zénith en communion, en larmes, en rêve, un certain 12 Novembre, d’une année 2002. Ce poème ou plutôt cet anti-poème, c’est une pièce maîtresse de sa musique. J’ai lu quelque part qu’il n’aimait pas ou plus cette chanson, mais peu importe ce qu’on lit, le fait est que je l’entends à quasiment chaque live que je fais, hors festival. Ce qui me laisse penser que cette œuvre est un aboutissement du partage, du sentiment d’union, peut-être même de l’abandon de l’artiste face à son public. Et lorsqu’il lui demande de se prendre par la main, et que ce dernier, le cœur en proie à d’étranges émotions, se contente de suivre le conseil, sans chercher à comprendre, simplement.

C’est sur cette chanson que les briquets sont les plus beaux, telles des étoiles parsemant une douce nuit d’été, telles des constellations innombrables, qu’on cherche à reconnaître, mais au fond, le nom de ces étoiles, on s’en fout je crois, tant qu’on en a une, que l’on croit briller pour nous.


Les guerriers de la route
Avaient pourtant prédit
La mort ou la naissance
Ça dépend du cœur
Au soleil qui s’incline

Aucune rime dans ces mots, mais pourtant, ils dégagent un tel mysticisme, qu’on se surprend à leur chercher une quelconque signification, à vouloir comprendre le fondement d’une existence, à savoir si aujourd’hui il est encore bon de garder l’espoir. Je serais tenté de répondre oui, même si le soleil s’incline, même si la mort n’est qu’un aboutissement. Ou une renaissance…

Le triste poète déverse le flot de ses paroles avec toujours la même puissance, avec toujours la même émotion. Touchant, poignardant son public avec ses mots, avec ses maux, et l’assistance, silencieuse dans une étrange transe, oublie rien qu’un instant…

Ça sonne beau, ça sonne l’invitation à l’union, mais pourtant cette chanson sonne le glas. Le flambeau s’éteint, et les drapeaux tomberont, en berne. Puisqu’il y aura bien une fin, à quoi, à qui, on ne le saura pas, mais on osera se sentir touché. Un amour impossible, très certainement, mais bien plus que d’un être, de la vie.


Mais c’est plus fort que moi
Tu vois je n’y peux rien
Ce monde n’est pas pour moi
Ce monde n’est pas le mien

Puisque la tristesse, et la mélancolie, sont plus fortes que ses rêves, puisque la fin est proche, puisque c’est le moment de l’adieu. Et il lui semble tellement bon de partir qu’on est invités à « Baiser sur sa tombe ». Pas d’amour, pas de sentiments, juste histoire de la salir, comme le fut son existence, comme le fut l’existence de celui qui se reconnaîtra.

Et là, je me retrouve comme un con, avec une chanson qui sonne la fin, qui n’a rien de joyeux, qui n’invite pas à l’amour, qui ne mérite aucune excuse, mais qui me prend aux tripes, comme si je pouvais l’avoir pensé, alors que je ne veux pas de tombe.

Mais allez, prenez-vous par la main, ne vous faites plus attendre…

Ce titre, au Zénith de Paris, en 2002:



Saez – J’accuse
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