Babylon Circus, 15 ans d’histoire et de belles aventures. Désinvolt vous offre l’interview de David et Manu, deux des membres de ce groupe qui est probablement le groupe de ska français le plus populaire, le plus emblématique, et surtout celui qui a su garder et exploiter l’esprit du cirque.

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Babylon Circus ne se résume pas à une ou deux mélodies, c’est tout un univers bien travaillé depuis 15 ans, un univers qui a failli basculer dans le drame, voire même dans ce que tous les groupes craignent : la fin !
« La belle étoile » est la renaissance du groupe ?

– Manu : C’est plutôt la rédemption (rires). Il y a eu un événement, comme ça peut arriver dans une vie, et cet album, c’est clair, on le verra toujours comme celui qui nous a fait renaître, qui nous a remis sur scène et depuis ce cadeau, tout ce qui nous arrive c’est du bonus parce que ça aurait pu un jour s’arrêter …

– David : J’ai envie de dire que cet album m’a presque sauvé la vie ! Il se trouve, en l’occurrence, que c’est moi qui ait faillit faire splitter le groupe de part un accident quasi-mortel. Et c’est grâce au groupe qui m’a remis sur scène, qui m’a enfermé dans un studio (rires) que j’ai repris mes esprits, et c’est pas fini (sourire).

– Manu : On lui a mis des bonnes sangles, ça le tenait bien (rires).

C’est pour ça que , David, tu parles plus de l’amour, plus d’émotions dans cet album ?

– David : Justement toutes ces émotions, qui étaient certainement déjà en moi, déjà en nous, on avait envie d’exprimer aux gens des choses simples, touchant au fin fond de nos âmes, de nos êtres. Et donc c’est un mal pour un bien, renaissant de nos cendres tel le phénix, hé ben on part à cœur ouvert comme on l’a jamais fait.

Par contre, le coté fanfare est toujours présent. On s’imagine déjà en train de sauter sur des morceaux tels que « Nina« , « L’envol » ou « Sista » tous droit sortis des débuts du groupe.

– Manu : C’est marrant que tu dises cela par rapport à ces chansons, parce que des fois les gens nous disent la même chose que ce que tu viens de dire là mais par rapport à d’autres chansons. Tu peux pas vraiment calculer une chose qui est sur le ressenti des choses. Je pense que le plus important c’est que les chansons elles touchent les gens et qu’importe la manière, que ça soit « l’ancienne façon » ou la nouvelle, nous on raconte nos histoires et l’important c’est que les gens prêtent l’oreille …

– David : … Et puis surtout qu’ils puissent les approprier et leur donner le sens qu’ils veulent. On parle beaucoup d’émotion dans la forme et après les histoires qu’on raconte on pourrait les comprendre à mille degrés différents. Dans les histoires d’amour, des fois les gens nous donnent des interprétations où même moi je suis surpris, pour te dire ! La chanson « Des fois« , c’est une histoire de séparation et y en a un qui m’a dit Ah p’tain je viens de me faire plaquer et cette chanson c’est vraiment mon histoire. Un autre ça lui rappelle un pote qui s’est foutu en l’air et un dernier qui m’a dit Ouais quand tu dis  » Y a des fois mon cœur bat très fort pour toi … Y a des fois où mon cœur se noie … Y a des fois toi mon cœur je te laisserais là jusqu’à la prochaine fois » tu n’es pas en train de parler un peu de la France de Sarkozy ?. Même moi je ne saurai te dire ce que j’avais vraiment dans la tête en écrivant cela.

Avec le recul, que retenez-vous de cet épisode, de votre accident, David ?

– David : ça a complétement changé ma vision de la vie. Déjà de pas l’avoir perdu c’est déjà pas mal (soupir), et quelque part ça m’a plus « ouvert » aux gens, aux gens proches même, à ma famille, à mes amis, mon groupe etc. Je ne peux pas dire que je n’étais pas à l’écoute mais là je suis encore plus attentionné d’une part, par rapport au monde, et j’ai encore plus envie de bouffer la vie. Je sais que demain peut ne pas exister, ben la moindre seconde il ne faut pas passer à coté. Ça parait con mais …

Carpediem (sourire)

– David : Ben Carpe diem, j’ai plus compris l’expression après coup, si je l’avais compris avant ça aurait pu se passer différemment.

– Manu : On s’est tous remis en question, et chacun était tout seul le nez dans sa merde. Et paradoxalement, cette histoire nous a unis. Tu te dis ça vaut le coup je suis encore envie, après faut faire gaffe (il regarde David) Faites attention : Boire ou conduire il faut choisir !

– David : Je ne conduisais pas ce soir…

– Manu : … Heureusement, parce que là ça aurait été efficace !

– David : Je reviens à ce que je disais avant, le truc c’est qu’il faut être plus à l’écoute, de faire plus attention aux autres et aussi à soi-même. Mine de rien, ça m’a fait prendre conscience qu’il fallait prendre soin de soi, que ça soit de son corps ou de sa tronche il faut des fois prendre le temps de se poser des questions et de trouver des réponses.

Comment le groupe a-t-il surmonté l’épreuve ? Cet accident a rendu les liens qui vous unissent encore plus forts ?

– David : J’ai jamais aimé leurs gueules moi …

– Manu : Je ne peux pas le piffrer donc ça n’a rien changé pour moi, je me suis dis merde raté ! (rires). On est en tournée non-stop, sur scène c’est comme si on faisait corps tous, on est une boule tu vois. Et forcément quand y a quelque chose qui arrive, c’est un peu ton monde qui part, on ne savait plus si on allait avoir un chanteur et puis, nous on ne peut marcher que main dans la main sinon ça ne tiendrai pas une seconde. C’est clair, ça a resserré les liens et comme je disais tout à l’heure : ça nous a mis chacun face à nous-même.

Babylon Circus c’est 15 ans d’histoire, plus de 30 pays où vous avez joué1, des centaines de concert, presque 1 000…

– Manu : On ne compte plus depuis un petit moment

– David : 30/35 pays par là …

– Manu : Et les concerts c’est pareil, on a passé les 1 000 on ne les compte plus non plus.

– David : On en a fait 100 déjà l’année dernière, on ne les compte plus ! (rires)

Babylon Circus et ses histoires à dormir debout (sourire). Vous étiez le seul groupe européen qui a eu une invitation pour jouer à la Fête de la Musique à Damas.

– David : Et surtout avoir accepté de jouer, parce qu’il y avait le début de la guerre en Irak !

Il y a aussi ce fameux épisode à Dublin…

– David : Hé oui c’est encore pour moi ça …

(Fou-rire général)

– Manu : La suite des aventures de notre David (sourire)

(En essayant de retenir un peu notre fou-rire) David !!! Bon sang, qu’est ce qui t’est passé par la tête de courir derrière les flics ?!?

– David : Ben justement, c’était ça le truc débile …

– Manu : (soupir) Ben là c’était vraiment débile.

– David : En fait, on s’est embrouillé avec des flics dans la rue, parce qu’on jouait dans la rue à Dublin dans le quartier de la bière, qui doit être la première ressource économique de cette ville. Donc, y a eu une embrouille avec les flics parce que ça bloquait la rue et au bout d’un moment on s’est arrêté. Y avait des gens qui avaient ramené de la bière, comme ça, puis ces mêmes flics ben ils sont repassés et nous ont fait (en prenant une grosse voix) « Non c’est interdit de boire de la bière dans la rue !« , c’est interdit faut dire sinon ça bouffe vraiment le business des pubs et y en avait un parmi nous qui parlait bien anglais et qui s’est embrouillé pour de vrai en anglais avec eux, c’était Vincent le clavier de l’époque, et donc là le flic lui chope le bras et lui dit « You’re under arrest » et moi je fais merde merde merde. Je me mets entre les deux et je dis à Vincent vas-y pars, maintenant tu cours. Vincent est donc parti en courant, les flics sont partis derrière lui en courant et nous on est tous partis derrière eux en courant. C’est comme dans le sketch de Djamel « Mais pourquoi tu cours ? Ben parce que tu cours … » c’était un peu la même chose …

– Manu : Ben surtout toi ! David a un esprit de compétition exacerbé et il était là « P’tain je suis premier, ouais je vais le rattraper le flic ! »

(Rire général)

– Manu : Et là le flic il s’est juste retourné puis l’a attrapé.

– David : Mais je ne me suis pas posé de questions !

– Manu : (qui lève un peu le ton pour « gronder David ») Voilà ! Tu ne t’es pas posé de questions !

– David : Et toi, pourquoi tu courais ?

– Manu : Ben moi je courais derrière en te disant de ne pas te rapprocher du flic …

– David : Parce que tu cours moins vite toi c’est tout (sourire). Et puis, je commençais à me dire si le flic attrapait Vincent, le pauvre il allait se faire marave grave (taper)…

– Manu : Mais tu aurais fait quoi ?

– David : (un peu agacé) Mais je ne sais pas, je ne me suis pas posé de questions.

– Manu : Tu ne t’es pas posé de questions c’est bien ça le problème !

– David : Ben tu ne t’en es pas posé plus que moi ! Ne me fais pas croire cela, c’est pas crédible. Voila, et ben du coup c’est moi qu’ils ont arrêté, j’ai été tabassé, j’ai fait 24h de garde à vue puis libéré sous caution et puis j’y suis retourné 3 mois après pour le procès.

– Manu : (rires) Vous allez publier toute l’histoire j’espère hein !

Avec plaisir (rires). On va rester un peu dans ce racontage d’histoire. C’est difficile à retenir toutes ces aventures et mésaventures, mais quelles furent pour vous les plus marquantes ?

– David : Question suivante !

(rires)

– Manu : Le premier concert qu’on a refait, que David a refait après son accident, on ne savait pas si ça allait le faire parce qu’il était dans un drôle d’état et c’était à Central Park à New York devant 5 000 personnes et c’était un moment inoubliable ! C’était le moment aussi où tout est revenu à David, on était tous là ébahi à le regarder, c’était vraiment fort comme moment et très émouvant, je me rappelle bien encore.

Ah oui ! Tu n’arrivais même plus à parler français, non ?

– David : Ben ça c’était au tout début de l’hospitalisation à Moscou (l’accident s’est passé à Moscou).

– Manu (qui le coupe) : Ah non, c’était au tout début du réveil !

– David : (sourire) Peut-être que j’ai pas encore retrouvé toute ma capacité. Les 12 premiers jours je me rappelle pas de toute façon. Je ne vais pas vous donner un cours de neurologie, mais il se trouve qu’une partie du cerveau, où est stocké la langue maternelle, a reçu un choc et langue étrangère c’est de l’autre coté et n’avait rien reçu. Et il se trouve que quand j’essayais de parler français c’était incompréhensible par contre j’arrivais à parler anglais sans problèmes (rires). J’ai des flashs, mais de quelques secondes, où effectivement je me revois parler anglais, c’est bizarre ça non ? L’autre partie, c’était tout le coté sentiment, émotion, inhibition et c’était comme dans Jekyll et Mister Hyde sauf que là c’était Hyde qui a pris le dessus, et j’ai plus aucun souvenir, j’ai même insulté des gens et des filles de salope parce qu’elles voulaient pas me donner des clopes.

– Manu : En même temps, il fait toujours ça (rires).

– David : Donc c’était l’anecdote pas marrante, maintenant j’en ris, mais je me serai bien passé de cette anecdote là

(un peu gêné) Ben nous pourrions effacer ce passage …

– David : Ah non non, mais j’aurai bien voulu ne pas l’avoir vécu par contre et ne pas avoir à la raconter dans la vie en général (rires)

On va t’épargner David de nous raconter d’autres anecdotes. Donc en mars prochain, vous serez en tournée en Australie au festival WOMADelaide mais aussi à Sydney et en Nouvelle-Zélande. Une expérience nouvelle pour vous ? Ou c’est justement c’est un très bon moyen pour découvrir d’autres types de musique du monde?

– Manu : Pour le festival, on a déjà joué en Angleterre, vers Charlton, on avait passé une superbe journée. En plus, y avait une tente qui s’appelait « Taste the world« , goûtez le monde, et où les groupes présentaient des recettes de leur pays et c’était un peu comme chez Maïté. Donc, on était dans cette tente avec un public, et on avait fait un spectacle énorme et inoubliable avec monsieur Rimbaud, l’accordéoniste du groupe, et qui était à la fourchette et aux casseroles. On va devoir refaire ce genre de concept, on peaufinera ce kitchen show (rires) à Adélaïde et en plus on joue en Nouvelle-Zélande la semaine d’après à Womad aussi. Parce que le Womad c’est un festival qui a lieu dans plein d’endroits dans le monde.

On n’aurait pas cru que vous auriez en plus un sacré talent de cuisinier

– Manu (rires)

– David : Ce qui était super dans ce spectacle, et j’ai peur qu’on ne puisse pas refaire le même, c’est qu’à ce moment là, Rimbaud il parlait beaucoup moins bien anglais. C’était de la bonne cuisine mais surtout drôle.

– Manu : C’est vrai c’était bon mais y avait trop de vins (rires).

– David : On jouait dans la musique aussi mais Rimbaud il faisait de l’humour en anglais, de l’humour malgré lui des fois (sourire) du coup c’était super spontané. De toute façon, notre Rimbaud c’est un très bon animateur de foule, un très bon cuisinier et il est plein de qualités. Je vais juste rajouter un truc concernant ce festival, j’encourage tout le monde à aller voir ce genre de festival, pas seulement le Womad. Ce genre de trucs où tu peux découvrir de la musique d’un peu partout, les publics se mélangent, surtout au niveau des générations et c’est super important mais on voit ça plus à l’étranger qu’en France.

Babylon Circus fête ses 15 ans en compagnie de ses amis (sourire), on connait quelques noms tels la Rue Kétanou, Yves Jamait, Les Fils De Teuhpu … D’autres surprises à venir ?

– David : Une surprise de taille ! Mais si on la dit, c’est plus une surprise.

Vous êtes durs là ! Bon ces invités qu’on verra avec vous sur scène, c’était important qu’ils soient à vos cotés pour fêter vos 15 ans ?

– Manu : C’était important pour nous que cette soirée soit particulière, pour nous elle marque un moment important dans la vie du groupe. On voulait vraiment marquer le coup. En plus, on est dans une période où on rencontre pleins de musiciens, La Rue Kétanou c’est des compagnons de route depuis un petit moment mais Nadeah et Yves Jamait c’est finalement assez récent …

(regard tueur de David)

– David : Bravo ! T’as niqué la surprise !

– Manu : Hein ? Ben j’ai pas dis de noms, juste dis ceux qui sont marqué sur l’affiche

– David : Et Nadeah ?

– Manu : Ah merde ! Bon ça faut pas le mettre ! Vous allez mettre des bip bip …

(Fou-rire général qui dura 2 bonnes minutes)

– Manu (se retournant vers David qui était mort de rire à cet instant) : Hé ben si tu me fatiguais moins, je serai moins fatigué !

– David : (éclate de rire) Celle-là est bien « si tu me fatiguais moins, je serai moins fatigué !« . Vous la publierez et vous dites que c’est Manu qui a dit ça hein c’est pas moi (rires)

(On reprend un peu nos esprits et on retourne au vif sujet)

– David : On ne peut pas le faire tous les jours d’organiser une soirée comme ça ! Quand on a l’occasion c’est dommage de s’en priver et de priver nos amis et LE PUBLIC qui est notre premier ami et sans lui nous ne serions rien. C’est vrai : pas de public, pas de spectacle !

Et que vous réserve l’avenir ? Il se passera quoi après cette soirée d’anniversaire au Bataclan ?

– Manu : Nous on ne s’arrête jamais jamais jamais. Il y aura un nouvel album qui sortira je ne sais plus quand …

(sourire en coin) Babylon Circus c’est pas fini alors ?

– Manu : Ben là, vous avez pas fini d’entendre parler de nous (rires). A moins que la prochaine fois, on n’en se remette pas (se retourne vers David).

– David : Je vais essayer que ça soit pas moi qui fasse des conneries.

– Manu : Tout peut arriver, genre que l’un de nous se fasse tuer par un kangourou en Australie. Mais l’Australie, on y est allé une fois et on a rencontré des kangourous, donc avec eux on gère grave là ! (rires)

– David : Ce qu’on peut dire c’est qu’on est en train de bosser sur le prochain album et puis voilà !

Manu, tu veux nous parler un peu de ce nouvel album ?

– Manu : ( d’un ton ferme) Non !

(rires)

– David : A chaque fois, tu demandes des surprises, ça ne sera plus des surprises après (rires)

Allez, je vous laisse un petit mot de fin pour nos lecteurs

– David : Là, tu regardes tes pieds et tu te demandes est ce que je vais trouver quelques choses d’intelligent à dire? (rires)

– Manu : Il faut faire quelque chose aujourd’hui, je trouve que la France est dans une mauvaise étape et qu’on laisse passer beaucoup de choses. C’est un peu la cata, et on ne fait rien … c’est désolant, on se laisse faire. Après, je n’ai de leçon à donner à personne mais ça serait mieux s’il y avait une espèce de mouvement qui se crée, y a des gens qui se bougent mais c’est léthargique.

– David : En tout cas, y a un truc que j’ai toujours eu en tête mais que j’ai mis en application beaucoup plus depuis l’accident, c’est en terme d’action on n’est pas obligé de s’encarter dans un parti. Je suis beaucoup plus sensible à l’action du quotidien, et maintenant je fais beaucoup plus attention à mes voisins, aux commerçants du quartier, on est divisés par la peur et si on ne prend pas le taureau par les cornes pour la surmonter ben on va droit dans le mur. Déjà qu’on n’en est pas loin …

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