Ravons ensemble !

Je n’en reviens toujours pas d’avoir la chance que cet événement se déroule dans ma ville ! Pour ceux qui ne peuvent pas être là, pour ceux qui ne savent pas de quoi il retourne, pour ceux qui ont connu les raves dans ce pays, à l’époque où on avait un ministre de la Culture, mais qui n’arrivent plus à quitter leur canapé, je m’occupe de tout et vous embarque pour suivre l’organisation, les protagonistes, le montage et le déroulement de la soirée.

Jagger Jack aux manettes !

Il est l’instigateur et l’organisateur, avec Trypod,  de ce qu’on peut bien appeler un défi par les temps qui courent. C’est aussi un garçon cool, qui n’hésite pas à nous consacrer un dimanche après-midi malgré son agenda chargé, à quelques semaines du grand jour.

Jagger Jack

Désinvolt : Comment es-tu arrivé à Rennes ?

Jagger  Jack : Je viens de la région Rhône-Alpes. Tout jeune, j’organisais des free-parties, des  teknivals dans la région mais quand j’ai voulu faire quelque chose de plus construit, plus officiel, ça n’a pas été possible. A ce moment, ça n’était pas tendance, les gens n’étaient pas très motivés. Un jour, un ami m’a dit que ça bougeait en Bretagne et même dans tout l’ouest. J’ai débarqué à Rennes.

Désinvolt : Durant trois ans, tu as organisé le festival Eclectik, puis ça s’est arrêté. Tu peux en  parler ?

Jagger Jack : Les deux premières années ont été un succès mais pour la dernière, la Mairie a exigé que l’on fasse le jeudi aussi. C’est l’époque où ils avaient décidé de régler le « problème des jeudis soir, rue de la soif « . C’était le jeudi aussi, ou rien, et ça nous a été fatal, même si on a eu beaucoup de monde le vendredi. C’est pour ça que cette fois, nous sommes totalement indépendants, aucune subvention, aucun sponsor.

Désinvolt : Et ça continue à bien bouger, les soirées Stéréo-Nightmare que vous organisez marchent bien. Un album est sorti en octobre.

Jagger Jack : Oui, c’est mon premier album sous le label Hardcore Deluxe et il y a aussi quatre vinyles de sortis, deux avec des morceaux de l’album, plus des invités qui ont composé des tracks pour Stéréo-Nightmare. Il y a eu aussi Techno Deluxe avec Dick Lorentz et Beuns, des Heretiks, et Acid Deluxe, fruit d’une collaboration avec Psylo, du label Acid Circus.

Désinvolt : Le public est là, c’est sur, mais que penses-tu de la scène techno en ce moment ? Qu’en est-t-il du renouveau attendu dans le hardcore ?

Jagger Jack : Je ne trouve pas qu’il y ait tellement de renouveau, j’ai plutôt l’impression que ça s’étouffe. Il y a des jeunes qui essayent mais je trouve que, dans l’ensemble, le niveau n’est pas assez élevé. On a souvent la sensation que les morceaux sont fait un peu vite et ça finit pas se  ressentir dans les ventes. On voit des compositeurs émerger mais la qualité, le temps de travail sur les morceaux, ne sont pas à la hauteur. Des disques sortent avec des morceaux faits en une journée, ils croient qu’il suffit d’avoir le bon logiciel et trois heures devant soi. Le hardcore industriel n’existe pratiquement plus, Hardcore Deluxe est le dernier à avoir sorti un album de musique industrielle. Et c’était il y a cinq mois, depuis, rien. Je voudrais voir plus de diversité, quelque chose d’original mais je ne le vois pas.

Désinvolt : Parlons de cette rave, on a forcément dans la tête celle d’Heretik au Zénith parce que c’était la dernière .

Jagger Jack : Nous n’avons pas à l’esprit de faire mieux ou moins bien, ce sera différent, ce sera Back to the rave, avec son identité propre. Ce sera en quelque sorte un retour aux sources, avec un spectacle original et on l’espère une participation active du public, comme venir déguisé !

Désinvolt :
Tu as eu les mêmes conditions que tous les autres spectacles au Musik-Hall ou tu as eu un traitement spécial ?

Jagger Jack : Aujourd’hui, on n’a plus de conditions particulières par rapport aux autres organisateurs, par contre on a énormément galéré pour tout avoir. Beaucoup d’administratif, beaucoup de batailles, mais on a fini par tout avoir.

Désinvolt : Parlons de l’affiche si tu veux bien, il y a beaucoup de beau monde !

Jagger Jack :
Heretik System représente la plus grosse part avec neuf DJ, dans des styles très différents. Le Driver que l’on a pas vu depuis longtemps à Rennes, Dick Lorentz, Trypod, Lunatik Asylum et moi. Pour le spectacle, le Big Bang Circus et le Circus Road System qui sont des pros rodés à ce genre d’exercice ! La déco sera énorme, il y en aura autant pour les yeux que pour les oreilles.

Désinvolt : J’imagine que l’enjeu est important mais  à quelques semaines de l’événement, les prévisions sont bonnes, est-ce que vous êtes rassurés ?

Jagger Jack :
C’est vrai que le bruit a couru un peu dans toute l’Europe, nous envoyons des packs de Noël (DVD + billet ) un peu partout en France et en Europe, je suppose que c’est pour venir, sinon ils n’achèteraient pas de billets ! Nous, nous organisons des départs en car de Paris mais ailleurs, ce sont les gens qui s’organisent eux-mêmes et louent des cars. C’est génial.

Désinvolt : Le public de la techno est habitué à bouger assez loin.

Jagger Jack : Était habitué à bouger, plus assez je trouve. Peut-être qu’il faut leur donner une bonne raison de le faire. Il faut dire qu’il n’y a plus que deux raves en France et autrement, des petites soirées par-ci par là.

Désinvolt : Tu dis toi-même que c’est difficile dès qu’il s’agit de Techno, il y a de nombreux bâtons dans les roues.

Jagger Jack : C’est pour ça qu’il faut être libre et indépendant, c’est la seule façon d’éviter le chantage.

Désinvolt :
Et le prix ?

Jagger Jack : Le prix, c’est des mois pour obtenir les autorisations, la Métropole et la Star qui nous annoncent qu’ils ne fourniront pas les bus pour les navettes et du coup, nous devons les payer nous-mêmes; le boycott de la presse, même régionale, parce qu’ils n’ont pas leur logo en bas de l’affiche. Vous êtes une des rares à me faire une demande d’interview alors qu’on attend sept mille personnes !

Désinvolt : Back to the rave a quel statut ?

Jagger Jack : C’est une association, loi de 1901, on ne fait donc pas de bénéfices à se partager mais si ça marche, on pourra investir sur d’autres projets,  on verra. Avec Trypod, ce qu’on voulait, c’était être libre et surtout ne rien devoir aux officiels quels qu’ils soient, ils nous ont eu une fois, en nous associant à leurs histoires de sécurité dans le centre ville, en nous imposant le jeudi. Comment peut-on penser qu’on va vider la rue St-Michel en faisant une soirée à St Jacques ? En plus, on ne veut pas d’un poids socio-politique, mais uniquement culturel. Comme au début. Il y en a qui voient ça comme un truc révolutionnaire mais tout le monde ne voit pas les choses comme ça. C’est de la musique et un bon moment à passer ensemble. La techno n’exprime pas d’idées politiques. C’est un exutoire. Dans les premières raves, il y avait une grande diversité du public. A Tolbiac, on voyait des filles en fluo, des costards, des mecs de la banlieue, des travestis en mini-jupes, personne ne se jugeait, on était juste là pour se défouler et s’amuser.

Désinvolt : C’est cette impression de joyeux bordel qui a fait le charme des raves !

Jagger Jack : C’est le moment où on pouvait se libérer de ses tensions, de sa semaine de taf, un mec en kaki avec des piercings pouvait boire un coup avec un mec en costard-cravate. C’est cet esprit-là qui m’intéresse, faire tomber les barrières sociales dans un système d’autonomie temporaire. Je n’ai pas de revendication, Back to the rave ne fait de fuck à personne. L’objectif, c’est la joie, passer une bonne soirée dans l’amour et la joie, c’est ça l’objectif de la rave. Tout est plus difficile avec la crise économique, les gens ont de plus en plus de frustrations et il y a de moins en moins de moyens de s’en libérer. La réalité est dure et il faut se battre pour continuer à faire rêver les gens quoiqu’il arrive.

Désinvolt :
Je te remercie beaucoup de nous avoir consacré tout ce temps et rendez-vous le 5 février.

Photos © Camille Lamy

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