Inspiré des sons jamaïcains, Broussaï met en scène un reggae roots teinté de ska et de ragga. Des mots, des mélodies comme mode d’action pour mener à une prise de conscience. Broussai c’est une vague de révolte sur un monde qui décède.


Que signifie Broussai et d’où vient l’idée du nom ?

Broussaï représente la végétation sauvage qui s’est élevée seule sans l’action de l’Homme. Elle n’est ni semée, ni modifiée, ni formatée, elle pousse entre les pavés des ruelles et essaye de reprendre le dessus sur la grisaille du béton. Ce qui nous a intéressé dans Broussaï, c’est le rapport avec la nature inchangée, les branches entremêlées comme nos dreadlocks, et le coté indompté.

Vous êtes 5 sur scènes, on sent une harmonie quand vous chantez ensemble et ça apporte une couleur assez originale. Vous rêviez tous de chanter ou c’était difficile de garder un seul chanteur ?

Aujourd’hui nous ne sommes plus 5 sur scène mais 6, la famille s’est agrandit avec l’arrivée d’un nouveau musicien aux claviers depuis le mois de mars 2008. Pour les chants, le groupe a toujours eu 2 chanteurs lead pour alterner les grains de voix, les styles d’écritures et les vibrations communiquées. Naturellement nous avons rajouté une 3ème voix au chœur pour réaliser des harmonies car nous avons toujours été influencé par les trios vocaux jamaïcains des années 70’s comme les Wailers, Abyssinians, Israel Vibration…

Histoire de vous connaitre un peu mieux, lequel de vous est le plus fun en tournée ? Et le plus sérieux ?

Le groupe Broussaï est à la base lié par l’amitié et cela avant même la musique, et après 300 concerts à arpenter les routes de France et de Navarre, nous avons vraiment appris à vivre ensemble… Savoir se parler et se comprendre selon les caractères de chacun, c’est une aventure humaine exaltante. Sur les tournées « marathon » estivales, les humeurs varient selon la fatigue, l’excitation, l’environnement, l’accueil, la météo…parfois c’est plus difficile car les temps de sommeil sont restreints et les trajets sur la route sont parfois longs mais on est toujours très bien reçu par les équipes de bénévoles sur les concerts, et les jours de repos, on en profite pour se détendre, se reposer à la plage, passer du bon temps, donc en générale l’ambiance est très bonne.


L’album que vous auriez rêvez d’écrire ?

C’est difficile de donner un seul album de référence sachant que dans un groupe, les goûts de chacun diffère. On pourrait te citer Survival de Bob Marley and the Wailers (voir tous les albums Tuff Gong), L’école du Micro d’Argent d’IAM, Da Real Thing de Sizzla, Ras Mek Peace de Midnite, Dreadlocks Time is Now des Gladiators, Cours d’Histoire de Tiken Jah Fakoly, Still Blazing de Capleton, Hebron Gate de Groundation… la liste peut être encore très longue!

Entre nous, le pire album que vous possédez ? Et Quels artistes ou styles musicaux ne vous soupçonnerait-on pas d’écouter ?

En générale quand on achète un album, on l’écoute avant et on le choisit car on l’aime, donc pas de pire album dans notre discothèque. Mais si tu veux qu’on te cite un disque de merde, prend n’importe quel album d’un boys band des années 90.
Les styles de musique que nous écoutons sont très variés: hip hop, funk, jazz, salsa, soul, chanson acoustique…et bien sur la musique jamaïcaine sur laquelle nous nous retrouvons tous.

Vous aviez dis lors d’une de vos interviews « On a beaucoup lu Cantat. On s’est nourri de son verbe. ». Vos influences ne s’arrêtent pas seulement au reggae alors ?

Je ne pense pas que nous ayons tenu ce propos tel quel mais c’est vrai que nos influences au niveau des textes ne s’arrêtent pas au monde du Reggae. Cantat, Akhenaton et Shuriken (IAM), Brassens, Guizmo (Tryo), Ben Harper (et pleins d‘autres) sont des personnes ayant des styles d’écriture qu’on apprécie particulièrement.

Ces dernières années, on a retrouvé en France des groupes qui jouent un reggae plus « engagé » loin des clichés dans lesquels beaucoup de groupes s’étaient affaissés. Qu’est ce qui a changé dans le milieu reggae français à votre avis ?

Je pense que la Musique Reggae a toujours été engagée sur des valeurs de paix, d’amour universel, de lutte contre l’oppression et cela même chez les groupes français, mais les médias ont surtout mis en avant chez eux les titres les plus légers de leurs albums, car ils rentraient plus dans le format « grand public, grandes ondes ». Le combat n’a pas changé, c’est juste la société dans laquelle on vit qui a évolué, on pointe de nouvelles cibles dans notre ligne de mire et on essaye d’explorer des nouveaux thèmes parfois moins abordés dans le reggae. Aujourd’hui il existe tellement de groupes de plus en plus talentueux que les auteurs essayent d’utiliser un verbe original et personnel.


Parmi les groupes de la scène française, avec qui vous avez liez contact ? Avez qui vous vous sentez assez proche, aussi bien musicalement qu’humainement ?

Avec 60 concerts par an et autant de groupes rencontrés, la liste va être longue!!!
Mais certains sortent du lot à force de se croiser, de partager des valeurs et des scènes ensemble, des liens se sont tissés avec les membres de Danakil, Fundé, Gwarana, Wounded Lions…sans oublier les équipes de chez nous, Maxxo, Ottoroots, Akirise, Arslonga…etc. (voir nos amis sur notre myspace)

Dans votre répertoire, on y retrouve plusieurs reprises dont notamment « Notre Devoir » du groupe Intik, « Small Axe » ou bien « Zion Trion » du grand Bob. Pourquoi ces chansons la et pas d’autres ? et verra t’on un jour ces reprises sur un futur opus ?

« Notre Devoir » d’Intik est une chanson que l’on peut chanter le soir autour du feu avec les guitares et les percussions mais ce titre ne fait pas partie du répertoire du groupe Broussaï, c’est juste un délire entre amis. Les reprises de Marley et des grands classiques jamaïcains sont des très bons exercices pour nous en tant que musiciens, et en plus du plaisir qu’elles nous procurent, elles suscitent de nombreuses réactions positives dans le public; mais elles n’atterriront jamais dans un futur opus.

Pour un groupe Autoproduit c’est beaucoup plus dure d’aller vers le « grand public » et malgré cela, Comme vos deux précédents disques, « Avec des mots » a été réalisé en autoproduction. Pourquoi ce choix ?

Quand on est un petit groupe de jeunes voulant enregistrer un album, on ne se pose pas la question si une maison de disque va vouloir nous produire! On essaye juste de récolter un maximum de matos (micros, table de mixage, ordinateur…) achetés grâce aux cachets des concerts ou alors prêtés par des amis, on s’organise et on apprend au jour le jour comment concevoir son projet… Puis petit à petit, les années passent, on acquiert de plus en plus d’expérience, de technique et de matériels, et notre humble home studio commence à porter ses fruits. De plus on aime l’idée d’indépendance totale, faire notre truc chez nous sans l’aide de personne, être artistiquement libre dans nos choix de musiciens.

Parlons un peu de votre dernier album. Aux premières écoutes, on sent une légère différence avec ce qu’on avait entendu avec vos précédents opus. Au niveau musical, comment vous compareriez « Avec des mots » par rapport au précédent opus ?

Notre 1er maxi s’est réalisé dans l’urgence, avec des moyens rudimentaires. Toutefois, une certaine fraîcheur se dégage de cet enregistrement que l’on pourrait qualifier de spontané. On peut dire aujourd’hui que nous étions inexpérimentés mais il nous a permis de commencer à propager notre musique à la fin des concerts. L’album Insurrection est le fruit d’une année de rencontres marquée par la participation d’une section cuivre, d’un violoniste et de différents guests jamaïcains. Sam Clayton a apporté sa touche finale pour le mixage et le mastering. Ce disque nous a ouvert les portes de nombreuses scènes et festivals en France, en Belgique et en Suisse. Avec le recul, ces deux réalisations ont participé à l’élaboration de notre identité de groupe, et nous ont permis de nous faire connaître dans le milieu underground. Dans notre dernier disque Avec des Mots, nous avons voulu intégré des sonorités modernes électro hip hop dans quelques titres, tout en conservant le son acoustique vintage des instruments de base. Les tempos sont globalement plus élevés mettant en avant un reggae sobre aux grooves simples mais efficaces. Et si la construction musicale des morceaux est plutôt classique, les rythmiques sont plus dansantes et modernes que nos précédents opus.

Dans vos chansons, on ressent plus un besoin d’en parler qu’un besoin de nous guider, vous sentez vous comme un groupe engagé ? Et croyez vous vraiment qu’on peut changer les choses avec des mots ?

Oui, nous sommes convaincus que la société change quand les mentalités évoluent. La musique, à travers les textes, y participe au même titre que d’autres arts. Nous nous sommes nous-mêmes plus forgés culturellement et socialement à partir d’artistes que nous avons pu écouter ou lire qu’à partir de discours d’hommes politiques. De ce fait, nous apportons notre pierre à l’édifice en s’inscrivant dans un combat que mènent des organismes tels que Greenpeace, Amnesty International, ATTAC…et plus généralement tous les militants des droits de l’Homme et de la Nature. On pense que chacun a son rôle à jouer car ce sont des problématiques universelles. Et si cela peut influencer les idées et le comportement de quelques personnes, alors notre travail n’aura pas été vain. Mais c’est sûr que l’on n’a rien inventé, on exprime juste tout haut ce que beaucoup de gens pensent tout bas. Nous n’avons aucunement la prétention d’apporter des vérités toutes faites, le but est plutôt d’amener les gens à la réflexion et à une prise de conscience.

Nous pensons également que le peuple reprendra ses droits par la rue à travers les manifestations, les rassemblements pacifiques tels que les forums sociaux. La notion de non-violence est la base principale de notre action. Il est clair que, quelque soit la noblesse d’un combat, si l’on doit faire couler le sang pour permettre à ses idées de triompher, alors on a de toute façon perdu sa cause et on s’est perdu soi-même.

Vous dites dans une de vos chansons : « Je préfère chanter la gloire de sa majesté, Même si c’est moins rentable sur un plan financier, Je sais au fond où est la vérité, c’est pourquoi, Je dois crier ma foi car c’est ma destinée ». Quelle est votre position par rapport au mouvement rastafari ?

Parfois certains textes abordent des sujets plus personnels. La chanson Nyavibes en est un exemple, et c’est le bassiste du groupe qui en est l’auteur et l’interprète… En ce qui concerne nos croyances, chaque membre du groupe vit différemment sa spiritualité. Nous sommes en perpétuelle recherche autour des mystères de nos existences, c’est une quête de sens que chacun doit mener tout au long de sa vie. Nous empruntons beaucoup d’idéaux dans la culture Rasta mais nous nous nourrissons également des enseignements des Sages des diverses philosophies pratiquées sur la surface du globe. Ce qui nous intéresse particulièrement c’est le rapport à la Nature, la lutte contre toutes les formes d’oppression et d’injustice, l’anticonformisme, la liberté de s’exprimer pour tenter de faire le bien autour de soi…

Cependant, comme dans la plupart des mouvements de pensées, il existe des extrémismes et des dérives sectaires que nous ne pouvons cautionner.

Avez-vous déjà commencé à travailler sur un nouvel album ?

Nous avons déjà composé et écrit plus d’une dizaine de titres d’un nouvel album. Tout en étudiant les divers processus d’enregistrement, nous peaufinons encore l’étape de création, on réalise des tests sur des pré productions, on retravaille nos textes et nos mélodies, on recherche encore les arrangements musicaux propices…on verra à la fin ce que l’on voudra garder pour ce disque.

Vous vivez de votre musique ?

Après 7 années de travail à faire évoluer le groupe vers de meilleurs horizons, nous avons enfin réussi à obtenir le statut d’intermittent du spectacle, le Graal pour des musiciens comme nous car elle nous permet de répéter, de composer, d‘écrire, de se concentrer à 100% sur notre projet sans être obliger d‘aller pointer à l’usine pour un job alimentaire. L’intermittence est aujourd’hui un outil indispensable à la création artistique et au développement professionnelle d‘un groupe. Mais nous sommes encore dans l’incertitude car il faut renouveler le statut tout les 10 mois et les conditions requises se durcissent d’années en années.


Question un peu plus personnelle, vous disiez dans votre chanson « Message d’espoir » : « Je suis né sous la pression à Lhassa/ Nos moines sont en prison, oh, pourquoi, pourquoi ?/ Notre culture est détruite ne vois tu pas/ Pourquoi ces gens nous sinisent ils, oh, dîtes moi, dîtes moi? ». Si vous aviez quelque chose à dire aux Occidentaux, personnellement, que leur diriez-vous ? Et aux Chinois ? Et quelle est votre position sur le boycott de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques ?

Après des années d’oppression, enfin le sort des tibétains intéresse l’opinion public du monde entier, les gens manifestent dans les rues leur soutien au peuple du Tibet, donc les J.O. auront au moins le mérite d’avoir soulevé ce problème culturel et ethnique aux yeux du plus grand nombre. Maintenant est-ce que le boycott de la cérémonie va faire changer le gouvernement chinois? Je pense que des sanctions économiques et politiques seraient plus appropriées mais personne n’aura le courage de le faire sous peine de perdre ses intérêts financiers dans ce pays. Mais on espère que cet événement sera le siège de nombreux actes symboliques pour tenter de faire évoluer les mentalités…Et attention de ne pas faire l ‘amalgame entre le peuple chinois et le gouvernement totalitaire de Chine, personnellement en temps que français, je n’aimerai pas que l’on m’assimile aux dirigeants de la France.

Merci de m’avoir accordé cette interview, un petit mot de fin ?

On remercie tous ceux qui nous ont aidés et supportés, tous ceux qui propagent notre musique par le bouche à oreilles et tous ceux qui se battent chaque jour pour nos droits et pour nos libertés.

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