Nice, Mardi 4 Aout à 18h. Je pars rencontrer le groupe qui a marqué mon adolescence : La Rue Kétanou. Avec gentillesse et attention, Mourad me reçoit devant le Théâtre de Verdure, lieu où ils devaient se produire quelques heures après.

Nous choisissons de faire l’entrevue à quelques mètres du théâtre, tranquillement dans le jardin en profitant du temps niçois.

Une simple rencontre avec Mourad, l’éternel voyageur heureux, pour parler du nouvel album, des rencontres et projets, du monde et sa politique et de la vie.

Bonjour Mourad

Bon je vais zapper les questions bateaux qu’on a du vous poser une centaine de fois, présentation du groupe, qui est qui, qui fait quoi …

Oui et c’est mieux si c’est toi qui le fais, comme ça tu donnes ton avis …


La Rue Kétanou :

d'{En attendant les caravanes jusqu’à A Contre Sens

}

 

Donc 1er album ‘maison’ en 2000, un deuxième qui vous a fait découvrir ce que c’est un enregistrement…

On en a déjà fait avant ! C’est-à-dire que la Rue Kétanou ce n’est pas notre premier essai, on avait d’autres groupes et puis on avait déjà enregistré, bon après Les cigales c’est un enregistrement mais comment dire … En plus, nous on n’enregistre pas dans un studio. Tu vois, chaque fois, on prend notre matériel et on va dans une maison et on enregistre « à la maison »

Vous restez alors dans une vision assez atypique pour votre travail ?

Ouais.

Vint en 2004, un live Ouvert à double tour … Puis, plus rien. Il a fallut attendre 2009 avec A Contre Sens. Vous avez pris votre temps quand même

On a pris notre temps, on a pris le temps d’inviter des gens et puis on l’a fait sur une année. On l’a commencé en Janvier et fini en Septembre. On a pris le temps d’écouter les musiques une première fois et puis après, ça a pris son temps, y a des chansons qui sont venues …

Ben que s’est il passé pendant 5 ans après Ouvert à double tour ?

On a monté d’autres formations. Florent il a monté T’inquiète Lazare, Olivier il vient de monter un groupe qui s’appelle Batignolles et il a fait du cinéma, il a été papa, il n’a pas eu le temps de s’ennuyer (rires). Et puis moi j’étais dans Mon Coté Punk, et Olivier était aussi dans mon coté punk au début mais quand il est tombé enceint du coup il s’est un peu arrêté (rires)

Donc après on a tourné partout, on a développé ces groupes. Trois albums avec les punks, Florent a fait un album et Olivier est en préparation du premier. Florent sort un deuxième album qui s’appellera « L’homme préhistorique » au mois d’Octobre ou Janvier, on ne sait pas encore.

Et toi Mourad, aucune envie d’un projet en solo ?

Ben pour l’instant non. Après, j’ai tout le temps des chansons qui trainent, donc ça m’arrive de chanter dans les bars tout seul, de faire des choses tout seul mais même de jouer dans un bar c’est de la scène. Je crois que ça me rapporte assez, pour l’instant je n’ai pas besoin de me prendre la tête à vouloir faire un album et puis tourner avec ça forcément.


La Rue Kétanou un groupe attachant au succès fou !!

 

La Rue Kétanou c’est deux guitares et un accordéon …

Ouais c’est bien cela, deux guitares et un accordéon

Et quand même juste avec ça, vous êtes devenu un groupe majeur dans le paysage musical français. A ton avis, c’est quoi le secret de cette réussite, la clé de ce succès ?

On ne sait pas ce qu’est la clé, peut-être … Je ne sais pas. On ne calcule pas trop, peut-être qu’on est dans une époque où les gens ont besoin d’entendre ça (par rapport aux textes des chansons), qu’on colle bien à notre époque, peut-être que ça va passer. Pour l’instant on en est là, on parle à toute cette jeunesse qui se reconnait dans nos paroles, on n’est pas les seuls je pense qu’il y a aussi Les Ogres qui sont un peu là dedans, les Hurlements d’Léo enfin toute une bande qui sont un peu là dedans. Après pour le succès on ne se prend pas trop la tête avec ça, on fait un métier. La Rue Kétanou ça dure du mois de Mars jusqu’au mois d’Août, on s’arrête puis on va repartir dans d’autres histoires. Moi je vais refaire un peu de théâtre, comme j’avais dis avant, Florent sort son deuxième album, Olivier sort son premier album. On ne pense pas au succès, on pense plus à continuer à faire notre métier.

Mais t’es d’accord si je dis que La Rue Kétanou est une institution. Je prends par exemple la chanson Les Caravanes, un morceau sur la vie de bohème, une vision très positive voir idéaliste mais franchement si attachante. On a l’impression que, des fois, l’auditeur se reconnait dans vos chansons …

Oui ! Mais peut-être qu’on arrive à une époque où il y a tellement de choses matérialistes et où on invente énormément de progrès, Internet et tout ça que les gens ont besoin de rêver. On a l’impression qu’on vit dans un monde où tout est dirigé et quand tu commences à regarder c’est pire. On te dit c’est quoi le bonheur ! En 5 chaines, tu apprends qu’il te faut telle voiture, qu’il faut passer telles vacances à tel endroit et que c’est ça le bonheur. Alors qu’il y a quelques années, ben simplement pouvoir boire un verre et manger pour des musiciens c’était quelque chose de super de pouvoir vivre de ce qu’ils voulaient et je crois que c’était les parties de rigolade qui étaient intéressantes… Donc, je pense que les gens ont fait le tour de cela et y a une génération qui ne se reconnait plus là dedans mais qui a besoin simplement de, peut-être, prendre une guitare, tracer la route et aller visiter la France plutôt que de la regarder à travers la télévision et internet.


Engagé ?

 

D’une signature chez Sony au label L’autre Distribution, un label indépendant ?

C’est un label indépendant qu’on a envie de défendre et qui a embarqué pas mal de gens qu’on connait. Ils ne sont pas forcément dans la compétition, de publicité par exemple, de masse, … Ils n’ont pas besoin de beaucoup de moyens pour exister et ça, ça nous plait ! Ils ont quelques connections avec quelques magasins et après ils entretiennent ça et puis ils essayent de placer les gens.
Ce qui est bien avec L’autre Distribution c’est qu’ils s’intéressent encore aux gens, ils vont voir les groupes en concert, ils n’attendent pas qu’on vienne leur parler d’untel ou untel, ils restent les yeux ouverts, les oreilles ouvertes et puis après ils défendent aussi les petits disquaires. Et nous on pense que c’est comme ça qu’on s’en sortira d’ailleurs… Et plutôt que de tout concentrer et d’avoir des espèces de monopoles avec des gros magasins, ce qui est important c’est de diversifier et de donner vie à des gens qui aiment faire ce métier et qui voudraient pas bosser pour un gros magasin dont je tairai le nom, mais qui voudraient ouvrir leur petit magasin de disque, pouvoir vendre leur disque et pouvoir vivre ! Donc ils défendent cette diversité et nous ça nous plait et ils défendent aussi nos copains …

Donc c’est un type d’engagement de votre part ?

Oui c’est une espèce d’engagement !

La Rue Kétanou a une grande famille de musiciens. Mourad, tu as participé au dernier album de Syrano avec la chanson « Bleus ». Tu peux nous parler un peu de cette chanson ?

(Sourire) Elle est très bien, je crois qu’il n’y a rien à dire, il faut l’écouter ! L’avis que je donnerai c’est qu’il faut l’écouter parce que pour moi ça ressemble à un chef d’œuvre… (Les yeux qui commencent à pétiller)… Comme ça arrive dans la vie des gens de pouvoir sortir des choses comme ça, une lucidité incroyable dans ce texte et … là je tire mon chapeau à Sylvain, que ça soit de l’écriture du texte à la musique, de la manière dont il a assemblé les gens je trouve ça vraiment super.


Le nouvel album, {A Contre Sens

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A Contre Sens ? De qui ? De quoi ?

Peut-être à contre sens tout court. La Rue Kétanou c’est toi qui le disait tout à l’heure, deux guitares et un accordéon, ce n’est pas forcément gagné quoi et on s’est fait quand même des grosses scènes : Les Francofolies, les Vieilles Charrues, on va aux Méditerranéennes demain, là ce soir on joue aux Arènes à Nice. C’est peut-être que des fois y a pas besoin forcément d’avoir des gros moyens et puis on défend notre musique, on ne cherche pas à faire « à la manière de », après à contre sens aussi de … Ben, à un moment on a décidé de se faire une pause parce que on a pas voulu que La Rue Kétanou devienne une impasse, donc on a été prendre des chemins de traverse pour … qu’on avait choisi déjà d’avance, on prenait des chemins de traverse dans ce qu’on faisait dans la vie, quand on était à l’école on ne voulait pas rester bien assis sur le banc, sécher les cours (rires), voila c’est un peu notre vie tout le temps comme ça.
On s’est arrêté à un moment où est on en avait envie et on reprend au moment où on en a envie.

Et puis on trouvait que le rose ça allait bien avec le contre sens et ça part aussi d’une chanson dans laquelle on explique que les derniers aventuriers c’est peut-être les gens qui immigrent et qui traversent la Méditerranée, l’Atlantique à la nage.

On sent de plus en plus le poids des frontières, ces frontières qui sont imbéciles. Nous d’ailleurs on trouve qu’elles sont virtuelles, créés et découpées par l’homme et on sent de plus en plus qu’il y a un sens et que c’est difficile pour certaines personnes de pouvoir aller dans d’autres pays ne serait-est-ce que pour aller voyager, visiter et même peut-être pouvoir y vivre et tenter leurs chances. On trouve cela un peu ingrat quand on devine un peu ce qu’ont pu faire les pays développés dans les pays en voie de développement alors qu’ils avaient tout ce qu’il leur fallait pour pouvoir vivre tranquillement, on a bousillé leurs terres, on a tout retourné pour des grains de pétrole, d’or et de diamant.
C’est un peu ingrat, on trouve cela vraiment dégueulasse, et nous on est né ici et on n’hésite pas à aller là-bas, je pense que la musique c’est un moyen de tisser les gens, on n’arrive pas les mains dans les poches, on n’arrive pas en consommateurs, on n’est pas des gens qui vont acheter la dernière tunique ou la dernière djellaba à tel endroit parce que c’est très joli. On serait plutôt à venir partager avec des gens, ça tombe bien y a plein de musiciens partout dans le monde donc ça permet de se sentir déjà en famille.

Nous, ces frontières pour nous elles n’existent pas et puis on espère qu’un jour elles y seront plus

Et c’est la qu’on retrouve La Rue Kétanou et cette phrase « Les chansons n’appartiennent qu’à ceux qui les laissent sans voyager pour qu’on puisse encore les chanter sans qu’elles aient besoin de papiers »

Voila (sourire)

Derrière ces cheveux longs, est vraiment troublante et on peut se sentir très mal à l’aise…

Ce n’est pas un malaise ! Ce n’est pas un malaise du tout. Malheureusement je crois qu’on connait tous quelqu’un à qui c’est arrivé autour de nous, c’est des choses qui se passent depuis des années des années. On n’a pas le droit de forcer des gens à faire ce qu’ils n’ont pas envie de faire, ça peut casser … Là c’est l’histoire d’une jeune femme mais ça peut être aussi d’un enfant. On trouve ça dégueulasse, c’est difficile d’en parler, c’est difficile de juger. Y a des gens pour qui c’est une vrai folie, c’est difficile de soigner, c’est difficile de se dire parce qu’ils sont fous il faut les enfermer. C’est un peu compliqué comme histoire. C’est juste histoire de pouvoir dire que ouais ça arrive mais ça n’empêche pas l’amour derrière … Et quand je lui dis que je l’aime et qu’elle a du mal à me croire ben ça veut dire quand même qu’il l’aime et que ça ne change rien, que ça n’empêche pas l’amour.

On retrouve après le plaisir des mots avec Elle est belle (sourires)

Ben parce qu’on est des hommes et qu’on aime les femmes, et si on aimait les hommes ben on le dirait, on le chanterait (sourires)… Mais là on aime les femmes. Donc c’est une déclaration, une vrai déclaration pour dire qu’elles sont belles, que ça soit avec ces yeux, ces cheveux, ces oreilles, les choses qui font craquer.

Au niveau musical, comment compares-tu cet album avec les précédents ? Comme c’est chanté dans Germaine, c’est une seconde jeunesse ?

Plus abouti, moins sauvage. J’aimais bien les premiers albums un peu sauvage et puis là on a eu l’occasion de par nos expériences qu’on a fait ces dernières années, moi avec mon coté Punk, et Florent avec Jean-Louis et Seb. On a appris énormément avec Karim Arab le guitariste des Punks. C’est un super guitariste et le gars il m’a appris la guitare pendant 5 ans, j’ai appris à faire des choses nouvelles, des impaires, … On a voulu mettre tout cela sur l’album, sur Germaine y a des placements rythmiques, après sur Todas las mujeres on a demandé à Karim de venir placer un solo carrément, sur Sao Paolo il a fait le gimmick qui revient (en faisant le geste et en fredonnant l’air) tan taratan tantan … Seb est venu après apporter sa guitare sur Ton cabaret, et aussi Derrière ces cheveux longs, Jean-Louis est venu apporter sa contrebasse … On a fait un truc plus abouti. C’est aussi pour dire aux gens que ça fait quand même 12 ans qu’on fait de la musique, on va pas faire des albums avec des fausses notes tout le temps.

Mais ça avait un charme !

Ça avait un charme complètement mais voila on en est là. Peut-être qu’on refera des albums avec des fausses notes sans le faire exprès et on jouera comme des sauvages (rires) mais pour l’instant, y avait aussi nous, ça nous place dans le temps, y a plus de dix ans quand même qu’on en fait de la musique, on a aussi évolué dans cela. La prochaine envie est de revenir à quelque chose de plus simple, c’est-à-dire comme le premier album, on enregistrera en deux nuits et puis terminé.


La scène et les amis

 

Vous revenez d’une petite tournée de 5 dates au Québec. Un public préféré ?

Les gens sont pareils partout dans le monde. La musique, c’est ça qui est formidable, tu ne parles pas, si tu viens en touriste tu voyages dans un endroit … Moi je me fais chier ! Je ne voyage jamais en touriste, je prends ma guitare et puis le but c’est de jouer partout. C’est ça le truc ! La musique c’est quelque chose de vecteur alors peut-être à part en Iran où en ce moment c’est difficile, la liberté c’est d’une tristesse effrayante.
C’est une manière de vivre, d’exister, de chanter et de jouer ! La musique c’est un des vecteurs de communication les plus forts dans ce monde donc ben les publics sont partout pareil. Après je te dis ça, j’ai jamais été joué, au bout de 6 mois de nuit à Helsinki ou en Islande, ils sont peut-être tous devenu fous ou nerveux …

Une scène à partager aujourd’hui… ça sera avec qui ?

Il y en a pleins. Y en a tellement alors on se laisse surprendre. Hier on a rencontré un groupe qui s’appelle Niko Funky, qui sont de Nantes et qui font de la punk un peu groove. Et du coup ils ont joué en acoustique, ils jouaient dans la rue, on a joué un peu avec eux et c’était super. Une superbe rencontre ! On se laisse surprendre par cela.
Après y a les « grands » mais ils sont tellement des fois inaccessibles maintenant qu’on connait un peu ce métier. C’est plus une histoire de copinage, et les copains on préfère les connaitre dés le départ et ça passe des étapes. C’est beaucoup plus simple, y a moins de Salam Alikoum comme dirait mon copain Fathi.

Et dans ce copinage, quelques groupes à nous présenter ou qui vous tiennent à cœur ?

Ben ouais, Niko le groupe là, après y a Madjid Ziouan. T’inquiète Lazare aussi, le groupe de Florent, je viens d’écouter son album dans la voiture ce matin c’est … super … Je suis son copain mais d’une manière objective, je ne lui fais pas de cadeaux, si ça ne me plait pas ou si y a des trucs que je trouve trop « plan-plan ». Et son album, je le trouve super équilibré. Il me fait penser à un album d’un mec qui s’appelle Richard Desjardins c’est très planant avec une lucidité dans les textes. Sinon vous connaissez surement Loïc Lantoine, Thierry Blanchard, après y a les Karpatt aussi et puis Batignolles le groupe à Olivier qu’il est en train de monter avec Karim de mon côté punk, Alex Roger à la batterie, Olivier « koka » Cocatrix à la basse et Thierry Roques à l’accordéon.

Ah ? On change un peu de style du coup … Un peu plus rock ?

Surprise … Mais je pense que ça sera un peu plus rock&roll

La petite rencontre arrive à sa fin, on a un peu fait le tour la. Mourad, le mot de la fin ?

Avec plaisir Simo. Le mot de la fin ? Hé ben pour la chanson ça va commencer tout à l’heure (rires)

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