Damny Baluteau, claviériste et chanteur du groupe La Phaze, initie en parallèle une carrière solo avec un premier opus éponyme à paraître le 25 janvier 2010. Avec ce projet solo, Damny nous invite à embarquer pour un long voyage sensuel où l’amour est à la fois fusion et déchirure. Comme le disent certains « Laissez-vous transporter ! ».

A cette occasion, le temps d’une interview dans un café parisien, Désinvolt vous ouvre les portes, avec Damny, de cet univers surprenant, proche d’un roman noir.

Bonjour Damny !

Bon je vais zapper les questions bateaux qu’on a du vous poser une centaine de fois, et on va direct au sujet qui nous intéresse : Damny, comment t’es venu l’idée de ce projet solo ? Est-ce une envie d’explorer d’autres horizons ?

C’est vraiment ça. Ce disque, je l’ai fait à un moment donné où c’était compliqué dans ma vie personnelle et quelque part je l’ai fait à but thérapeutique, en parallèle de La Phaze, parce que j’avais pas la possibilité d’exprimer cela. C’est un projet qui est vachement tourné vers les autres et moi j’avais besoin de me retrouver vraiment de manière intime, et donc j’ai commencé à écrire des chansons qui étaient à la base pour exprimer quelque chose que j’arrivais pas à guérir. Et petit à petit ça s’est construit et je me suis dit que ça pourrait être l’objet d’un travail. Ça a pris quand même 4 ans d’évolution.

Et ce n’est pas un peu troublant d’être sur deux projets totalement différents, vu que La Phaze continue ?

C’est marrant ce que tu me dis là, c’est exactement ce que je vis en ce moment : une totale schizophrénie. Je m’en rends compte là parce que le disque sort dans quelques jours, je prépare le live de cet album, parallèlement on est en plein travail sur le nouvel album de La Phaze qui est quasiment bouclé. Quelque part j’ai l’impression d’être deux personnages, mais j’ai la sensation aussi que c’est ça qui est salvateur.
Quand j’ai fait ce disque, je me suis aperçu que ça m’a sorti d’une situation difficile, d’une histoire personnelle vraiment compliquée et quelque part si j’avais pas eu la chance de faire cet album, je crois que je n’aurai pas pu avancer et en être là où je suis, dans ma tête en tout cas. Bizarrement, je crois que c’est ces deux facettes qui construisent mon équilibre.

On sent vraiment que c’est un album très personnel. Comment s’est passé la réalisation et la création de ce premier album solo ?

Au début, j’ai vraiment travaillé tout seul. J’avais des bouts de phrases et de samples. Je travaille beaucoup avec les samples. Pour certains morceaux, j’ai fait des samples de choses que j’avais enregistré 15 ans avant avec des dictaphones. J’ai commencé donc à bricoler parce que je voulais retrouver une espèce d’ambiance, de me retrouver dans un environnement particulier d’où ce besoin de travailler tout seul. Puis après, j’ai commencé à bosser avec d’autres musiciens qui sont venus enrichir ce que je ne savais pas faire en terme de guitares, de basses ou autres. Ces accords acoustiques que j’avais pas à la base. Petit à petit, ça s’est construit comme ça, et une fois que j’avais une dizaine de chansons on est parti en studio et on a tout enregistré en 4 jours.
Le départ donc c’était de me retrouver dans ma « petite cuisine ».

Ça change des disques faits avec La Phaze, puisque là c’est complètement « fait maison ».

A La Phaze, on a un binôme avec Arnaud le guitariste. On travaille depuis 10 ans, comme ça, à se connaître et à fonctionner à l’instinct, l’un par rapport à l’autre, mais c’est un vrai travail d’échange, c’est pas du tout quelque chose de personnel. On ne fait pas nos morceaux dans notre coin. Sur ce projet, c’était la démarche opposée, je ne pouvais pas le partager En réalité, c’était trop « à vif » pour moi à cette époque là. Aujourd’hui, j’ai envie de le défendre sur scène donc c’est possible mais avant c’était hors de question pour moi, j’avais même pas eu l’idée que ça puisse sortir un jour sur un support.

Avec La Phaze vous appréciez beaucoup les featuring et les collaborations sur vos disques, par exemple sur votre dernier album « Miracle » on retrouve Keny Arkana ou Eugene Hütz de Gogol Bordello. Là, c’est différent, aucun featuring ou participation extérieure.

Je vais être super honnête. La vérité c’est que depuis le début je doute complètement. Depuis le début, je doute sur ce projet. Donc je voulais garder tout « secrètement », je n’osais pas le faire écouter à d’autres gens. Aujourd’hui, l’étape elle est franchie, j’ai envie d’aller de l’avant, je sens qu’il y a beaucoup de personnes qui me soutiennent et ça me touche beaucoup. Mais avant j’étais pas sûr de moi, je ne pouvais pas le proposer à d’autres gens même si j’en mourrai d’envie.
Quand on a enregistré le disque, on était à Bruxelles, et y avait Alain Bashung qui mixait son album dans un studio juste au dessus. On s’est croisé plusieurs fois parce que la personne qui a réalisé le disque, Djoum, a bossé beaucoup avec Bashung pendant des années. Et c’est vrai y a eu plein d’opportunités, il m’a dit va lui faire écouter etc… Et je ne l’ai pas fait parce que j’étais mort de trouille c’est aussi simple que ça.

Aujourd’hui, on peut prévoir une autre configuration des morceaux sur scène ?

Ah oui carrément. On sera 4 sur scène, 4 musiciens et j’ai l’impression d’avoir refait un autre groupe avec des gens qui sont vraiment au service de ce projet là, et qui l’ont ré-arrangé développé etc. Quelque part, ça me donne de la confiance parce que j’ai toujours fonctionné comme ça. Avec La Phaze, on est un groupe, je ne suis jamais monté tout seul sur scène et quelque part c’est inscrit dans mon mode de fonctionnement même si le projet c’est « moi » mais dans le fonctionnement, j’ai besoin d’avoir un groupe avec moi.

Tu nous parlais y a quelques minutes de Bashung. Arrête-moi si je dis des bêtises, mais on sent un second souffle à la chanson française. Je prends exemple sur le magnifique album de Benjamin Biolay. A l’écoute de ton album, à certains moments on ne peut pas ne pas penser à Bashung ou Gainsbourg, surtout cette manière de chuchoter le texte.
Question simple : ces artistes font-ils partie de tes influences ? Quelles ont été tes influences pour ce projet ?

Inconsciemment, ils étaient une influence. C’est des artistes avec qui j’ai grandi, ils m’ont beaucoup marqué. On est tous, quelque part, appelé à copier ces gens là (rires) malheureusement ou heureusement je ne sais pas, on essaye de s’en détacher mais y a un héritage qui est lourd -d’ailleurs Gainsbourg il est encore dans l’actualité- c’est difficile de faire quelque chose de différent en français parce que la barre est haute.
Pour les voix en tout cas, j’ai eu envie de murmurer à l’oreille de quelqu’un. J’avais envie de prendre le parti opposé de ce que je fais dans La Phaze. J’avais ce besoin de sensualité dans ce disque. Par contre, au moment de le créer, je ne me suis jamais dis « ça ressemble à … », « ça va faire comme … » J’ai essayé de le faire avec mon émotion, dans le moment.

Même si on retrouve quelques guitares qui grognent sur « Hastéroïdes » et « Nos paradis perdus », on peut conclure que c’est un album assez « calme », moins stressant que ceux que t’as pu faire avec La Phaze ?

C’est plus dans le tempo, par contre je ne sais pas si c’est un album calme. Y a pas mal de déchirures dedans, on va dire que c’est un autre état d’esprit.

Il y a une chanson qui m’a beaucoup plu, c’est « Hastéroïdes », pas seulement pour les instruments mais surtout le texte. Cette histoire de gens à la quête du corps parfait mais en vain ils baignent dans une solitude douloureuse. Loin des sujets engagés abordés avec La Phaze, ici c’est plus le coté « humain » qui est abordé.

C’est vrai ! C’est une évolution importante dans l’écriture. Je me demande si ça n’a pas plus de « poids », de s’adresser comme ça dans l’intimité. Je ne dénonce pas, je dis juste des états de faits, des comportements qu’on a tous. Et comme tu dis sur Hastéroïdes, on recherche ce corps parfait, cette répétition de mouvements pour accéder à quelque chose, une « normalité » qu’on s’impose C’est plus révélateur de s’adresser de cette façon aux gens que d’avoir toujours le poing levé.

Et en tant qu’artistes, c’est mieux de se détacher de cette image de porte parole, et de nous raconter des histoires sans être moraliste et donner vraiment une leçon.

Avec La Phaze, on s’est beaucoup engagé sur plein de choses, c’était beaucoup d’énergie. Et je me suis rendu compte que je me perdais dans le débat politique, c’était pas ma place en fait. Et faut reconnaitre qu’on nous a un peu poussé la dedans. A un moment donné, parce qu’il y avait des bouleversements dans la vie politique en France et puis les gens se disent peut-être un mouvement artistique va faire en sorte qu’une nouvelle gauche émerge. Moi, j’y suis allé un peu trop là dedans, j’ai perdu un peu, ce qu’on a tous en tant qu’artiste, on est là pour divertir et non pas pour donner des leçons.

Plusieurs critiques de ce nouvel album, unanimement, ont dit, je cite « C’est un univers surprenant proche du roman noir« . C’était bien cette image que tu voulais pour ce disque ?

Y a eu beaucoup de chansons qui ont été jetées à la poubelle, au final je voulais garder cette espèce de trame comme des nouvelles au vitriol, un petit peu lacéré comme un bouquin. J’aime bien le roman noir, j’aime les polars. Dans l’univers du disque, la façon dont il se déroule y a un peu ce fil là.

Au niveau du contenu, es-tu pleinement satisfait du résultat ?

Ben on n’est jamais satisfait. Mais j’ai hâte de voir la réaction des gens en live, c’est quand même là que ça se joue en général. Pour un premier album solo, je trouve que c’est une étape qui est pas mal réussie, je pense m’être ouvert vers autre chose, c’est ce que je me dis en tout cas. J’ai cette impression que c’est un nouveau départ pour moi.
Je sais que ça sera un public différent, c’est intéressant, ça sera une nouvelle façon d’appréhender la scène.

Merci beaucoup Damny pour cette interview et au plaisir !

Merci beaucoup pour le soutien que vous m’apportez, moi et les artistes indépendants, parce que mine de rien c’est par là que ça passe et qu’on arrive à faire connaitre notre musique. Merci à vous !

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Acheter son nouvel album

Après la sortie de son album le 25 janvier, Damny partira en tournée partout en France, pour l’instant deux dates à retenir :

– 29/01/2010 : Nantes @ Le Ferrailleur
– 17/02/2010 : Paris @ Batofar

D’autres dates vont bientôt tomber !
Un grand merci à Anne-Cécile Gros, sans qui cette interview n’aurait pas pu avoir lieu, et à Joelle pour ses photos.