Il y a des jours où je me dis que je ne comprendrais jamais la hype… Alors que pendant des années, mes potes qui écoutaient du punk me jetaient des pierres parce que je m’étais mis à écouter du folk, la chose est soudain devenue bankable, et il est à nouveau considéré comme bien élevé d’écouter de la guitare acoustique, alors que cela vous valait de vous faire traiter de hippie crasseux quelques années auparavant. Tenez, cet été j’ai rencontré deux lycéennes dans le parc où je vais habituellement me caler l’après-midi, et après leur avoir joué quelques morceaux de guitare, j’ai vu qu’elles connaissaient et écoutaient des artistes qui ne m’auraient absolument pas touché à leur âge, et que j’avais découvert à peine six mois plus tôt. Ils sont forts ces jeunes quand ils veulent ! Et puis ne nous plaignons pas, Neil Young en maître Yoda c’est toujours mieux que la house minimale, pas vrai ? Non, vraiment, le folk est un style toujours vivant, et des groupes comme Espers sont là pour le prouver.

Pour ceux qui connaissent déjà le groupe de Philaldelphie, sachez que vous arrivez ici en territoire connu. Pour les autres, sachez s’il s’agit d’un groupe à géométrie variable construit autour des voix de Greg Weeks, également guitariste, et Meg Baird, à l’archet enchanteur. Ils appartiennent à ce genre de musiciens qui ont constamment huit projets en cours, et dont l’agenda semble encore plus complexe et hermétique que les artworks de leurs disques, qui en tiennent pourtant une couche. La combinaison pourrait donner des ballades à la mélancolie irrésistible, avant que les autres musiciens ne viennent y mettre leur grain de sel. Clavier sorti du pays des rêves, drones de guitares électriques oppressants, chœur de fantômes… Noise Magazine, dont les chroniqueurs aiment beaucoup plaisanter avec les styles des groupes, a classé celui-ci dans la catégorie « Acid folk qui fait brrrrr », et ils ne sont pas trompés.

Mais ne vous effrayez pas, car contrairement aux précédents albums, celui-ci a un peu moins tendance à cultiver le côté obscur des chansons… Sans pour autant abandonner ce son si particulier, ni faire baisser la qualité des compositions. Je me mords les doigts à l’idée de dire que le son du groupe est devenu plus léger, mais c’est pourtant le cas. Pas une légèreté pleine d’autosatisfaction ou de flemme assumée, mais plutôt une volonté de mieux laisser respirer les différentes parties pour ne pas étouffer le propos. N’en déplaise aux amoureux d’expérimentation psychédéliques, les chansons sont plus courtes : la chanson la plus longue fait « seulement » six minutes, alors qu’on sait que le groupe n’a jamais eu peur d’incorporer des morceaux de neuf minutes à ses albums. Sincèrement, j’espère que vous aurez autant de plaisir que moi à fermer les yeux en entendant les premières notes de morceaux comme « Caroline » ou « Meridian », qui ont indéniablement le pouvoir de nous transporter ailleurs.

En tant que fan de la première heure, je ne suis pas déçu de l’évolution du groupe. J’ai tout de suite remarqué que cet album était très lumineux, contrairement aux précédents, qui étaient des beautés nocturnes. Et j’approuve cette démarche, même si je ne compte plus les fois où je me suis prosterné à l’écoute de « Dead queen », qui ouvrait le deuxième album sur des paroles sombres comme la nuit, où chaque accord de guitare acoustique semble venu de la nuit des temps. Une seule petite ombre au tableau, en cadeau pour ceux qui voudraient chercher des poux aux indiens sur la pochette : l’ouverture de « Trollslanda » fait diablement penser à celle de « Tomorrow », un des morceaux qui composent l’album de reprises « The weed tree », sorti en 2005 . Qui soit dit en passant est une vraie réussite artistique, contrairement à la plupart des exercices de ce genre, et également un choix valable pour s’immerger dans le son d’Espers, car c’est bien de s’immerger dont il s’agit. Alors sortez vos bouteilles d’oxygène, parce que ça descend…

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