John & Jehn est un duo pas comme les autres. Ils sortent leur deuxième album Time for the Devil le 29 mars. Le duo s’est associé, pour ce nouvel album, au génial Dave Bascombe (Tears For Fears, Depeche Mode, Echo & The Bunnymen…), qui a accepté de mixer l’intégralité de ce second opus dans les célèbres studios Metropolis. Leur ami de longue date Antoine Carlier s’est lui occupé de leur image.

A cette occasion, le temps d’une interview dans un hôtel parisien, Désinvolt vous livre un entretien assez chaleureux et convivial avec John & Jehn, et vous ouvre les portes de cet univers surprenant.

La super question que personne n’a dû vous poser : Pourquoi John & Jehn ?

– John : Pourquoi John & Jehn ? Au tout départ, avant d’avoir fait ce groupe, on habitait en Poitou-Charentes à Angoulême. Un bon pote à moi m’avait demandé d’être Dj pour une soirée, je venais juste de rencontrer Jehn, je lui avais proposé de mixer avec moi ce soir là. Il fallait trouver un nom vite fait pour la soirée (sourire), et comme je voulais faire un truc post-punk année 80 dans le mix ben fallait trouver un nom qui sonnait année 80 et c’est comme ça qu’est venu le nom John & Jehn. Avoir cet effet miroir entre les deux noms John et Jehn.

– Jehn : Mais pourquoi année 80 (sourire) ?

– John : Parce que John & Jehn sonne 80 je trouves (rires). Aussi y a ce truc John Doe/Jehn Doe. On appelle un John Doe une personne qui n’a pas d’identité et pour les femmes on les appelle les Jehn Doe.

– Jehn : Mais ce que tu ne dis pas c’est « Hart To Hart » (rires). Je ne sais pas si tu vois c’est la série L’amour du risque, Jonathan et Jennifer Hart. C’est venu de là aussi (sourire)

C’est moins Rock&Roll du coup

– John & Jehn (rires)

Aussi, y a quand même un univers année 60, non ?

(John et Jehn semblent assez d’accord sur cette question à un million de dollars)

– John : C’est vrai t’as raison, on y a jamais pensé.

John & Jehn, le coté sombre des White Stripes ? Vous vous démarquez de ces « familles » de duo qui font du rock …

– John : (rires) A l’époque quand on a commencé, si on parle de l’univers musical, on était assez Joy Division et c’était cette musique là qui nous parlait le plus et c’est là où on se sentait le mieux. Peut-être c’est ce qui a donné à notre univers ce coté sombre, un peu noir et blanc. On apporte sur le deuxième album un peu de couleur, mais ça reste une couleur désuette avec une touche particulière

Et le faite de s’appeler John & Jehn, ça voulait dire que la formation restera un projet à deux ?

– Jehn : Au départ oui ! Mais aujourd’hui, si en studio on est que nous deux, sur scène on est quatre !

– John : On a eu envie de confronter nos univers musicaux qui étaient quasiment les mêmes, mais c’était une façon de faire quelque chose tous les deux. De garder cet univers intimiste, de faire notre petite sauce sans pour autant impliquer des gens. C’était un trip, un truc rigolo qui est resté entre nous et c’est resté comme ça. Faut dire aussi qu’on a trouvé une manière de travailler à deux, et on voulait la garder.

– Jehn : On n’était pas prêt d’intégrer quelqu’un d’autre.

– John : Et on ne l’est toujours pas, c’est pour ça que sur nos albums on ne fait pas appel à un producteur. C’est toujours nous deux, même quand on enregistre et quand on compose, que John & Jehn (sourire).

Peut-on voir ça comme un manque de confiance envers les autres ?

-Jehn : C’est plutôt une grande confiance en nous deux, c’est dans ce sens là qu’il faut le voir. Par exemple, John il produit les albums. C’est aussi un kiff le faite de se développer dans des domaines différents, en tant que musicien en tant que compositeur en tant que producteur … D’un coup, ça devient un job avec un panel très ouvert et très enrichissant.

– John : On a envie de s’enrichir à deux plutôt que de se dire merde on va être limité à deux. On a essayé de voir les possibilités dans le processus de création

– Jehn : Puis aussi ce qui comptait vachement pour nous au départ, et ce qui compte toujours, c’est d’être très efficace. C’est à dire de pas avoir à attendre des gens pour que les choses se fassent.

– John : (à Désinvolt) T’as peut-être raison dans un sens où effectivement on est très protecteur par rapport à notre musique. C’est un coté qui est vrai, on n’est pas prêt à lâcher ça à n’importe qui. Après, peut-être on va se contredire dans quelques années et qu’il va y avoir un producteur qui va être complétement dingue de notre musique et qui correspond totalement à ce qu’on fait mais … c’est mal barré (rires)

Mais sur scène, vous êtes plus ouvert à intégrer des musiciens pour vous aider

– Jehn : En concert, on a besoin de cette puissance sonore, puis avec l’album qu’on a, on a besoin d’un soutien d’un batteur. Avoir ces deux nouveaux musiciens (sur scène ils sont désormais accompagnés de Raphaël Mura à la batterie et de Maud-Elisa aka le Prince Miiaou à la guitare et aux claviers parfois), ça nous éclate totalement. On passe à un niveau où on peut vraiment interpréter et élargir des morceaux si on veut, y a une liberté qui se crée face à cela. Mais c’est juste pour le live.

C’est plus ce genre de « collaboration » qui vous intéresse alors ?

– Jehn : C’est intéressant les collaborations. Par exemple, Antoine Carlier qui a fait toute notre image sur cet album, qui s’est vraiment dédié au projet, il a fait un film sur nous quand il était avec nous en studio, il a aussi réalisé notre clip. Il a fait beaucoup de choses (sourire). Il est devenu un membre à part entière. Là, une collaboration s’est créée, on lui a ouvert la porte …

– John : … On l’a autorisé à avoir une interprétation.

Et niveau composition ça se passe comment ? Vous écrivez séparément ?

– John : On est assez fifty-fifty.

– Jehn : Y a pas de règles en faite, ça dépend du morceau. Dans le dernier album Time For The Devil, y a eu deux étapes, ça a été enregistré l’été 2008 et l’été 2009. L’été 2008, on n’avait pas de label, on avait pratiquement plus rien et on a fait ces morceaux là en se disant que personne ne les voudra, on les fait pour nous. On s’est retrouvé avec des morceaux comme Oh My Love, Down Our Streets qui sont finalement des morceaux assez pop. Et suite à cela, on a vu Naïve qui s’est intéressé au projet, et y a eu une autre session d’enregistrement.
Tout cela pour dire que (rires), les deux sessions étaient différentes par rapport à la collaboration.

D’où la rencontre avec Dave Bascombes pour mixer l’album ?

– John : Le seul truc que je ne voulais pas faire sur l’album c’est mixer (sourire). J’ai fait tout ce qui est partie enregistrement, direction artistique si on veut et choix qu’on fait quand on produit un album et j’avais besoin de quelqu’un pour me « grossir » tout cela. Et ce qui est assez drôle c’est que tous les pré-mix qu’on a envoyé à Dave Bascombes il ne voulait pas les toucher.

– Jehn : (rires) On a dû lui donner le coup de pouce pour lui dire vas y fait ta sauce !

– John : Il était très respectueux de la manière dont nous avions pré-mixé le truc. Dave a mis une belle couche de vernis (rires) Il a nettoyé un peu les choses, il a une utilisation du compresseur que moi je n’ai pas … C’est un bon mixeur !

– Jehn : On revient à ce qu’on disait tout à l’heure sur les collaborations et la confiance. Avec Dave, notre but c’est de lui faire une vrai confiance c’est à dire que si on donne le bébé à quelqu’un c’est pour qu’il apporte quelque chose, ce n’est pas pour rien si on fait appel à quelqu’un.

– John : Par exemple, il a mixé l’album sans qu’on soit là. Je ne voulais pas être là, je voulais le laisser faire et qu’il nous donne sa vision et non pas être derrière lui et l’influencer. Dave est tellement habitué à avoir des D.A. et les musiciens derrière lui parce qu’il est habitué à travailler avec des grands groupes. Et c’est l’enfer ! Je n’ai pas voulu qu’on soit là pour l’emmerder (rires). C’est une vision des choses, une manière de travailler aussi. Dave est un peu un sorcier, il a deux, trois petites choses qu’il ne veut pas divulguer, j’ai essayé mais … (rires).

– Jehn : Comme avec Antoine, le résultat qu’il nous renvoie c’est pas forcément celui qu’on espérait mais il est tellement bien qu’on finit par l’adopter.

– John : Le processus de création est tellement important, qu’il faut le laisser vivre !

En parlant de création, j’ai l’impression que vous avez voulu prendre une autre direction avec cet album, on se détache un peu de l’univers des morts pour rentrer dans un univers un peu pop, amour, … Vous avez plus envie que les gens s’éclatent sur vos chansons (rires) ?

– Jehn : (rires) J’aimerais vraiment que tu puisses venir à nos concerts parce qu’il y a . Nous, on est fan des prestations scéniques des Talking Heads, c’est extrêmement sportif (rires) c’est festif dansant. On est pas un groupe festif, mais on a envie d’être généreux sur scène.

– John : C’est un coté, que je crois, est très fort chez nous, on communique beaucoup plus, on a envie de rencontrer les gens. On passe tellement de temps entre nous, tous les deux, que dès qu’on passe faire de la promo, qu’on rencontre des gens c’est un bain d’eau fraiche (sourire) on aime ça.

J’aime beaucoup Down our streets, qui parle de Londres, de votre expérience de cette ville. Une éloge pour cette ville ?

– John : Tu sais que ce n’est pas une éloge mais tout l’inverse (rires). La chanson raconte qu’on préfère Londres la nuit que le jour. Le jour, Londres est une ville très fliquée (policière), beaucoup de monde, c’est très stressant. Et la nuit, c’est une ville géniale !

– Jehn : Par rapport à cette chanson, ce qui se passe c’est que le lieu que tu quittes te revient en écho. Quand on a quitté la France la première fois, on a quitté l’enfance et toute une partie de notre vie. Et sur le premier album c’est revenu en écho dans nos textes. Après sur ce nouvel album, y a la chanson London Town qui vient du fait que quand on a quitté Londres pour faire des tournées ou enregistrer cet album, ben Londres est revenue en écho, tout d’un coup le lieu que tu quittes te ré-inspire différemment.

Je finis mon interview par un choix crucial. Le nom du groupe sonne année 80, vous avez un coté rétro année 60, et vous avez fait une nouvelle interprétation d’un classique du muet des années 30 « Journal d’une fille perdue ». S’il fallait choisir une seule époque, ça serait laquelle ?

– Jehn : Les trois (rires)

– John : On a un peu des années 60 pour la fascination et surtout pour Phil Spector mais aussi la manière dont on travaille les chansons, c’est à dire chanson par chanson comme le faisait d’ailleurs Phil Spector. Les années 80 pour l’esthétique et toute la scène post-punk anglaise et les années 30 pour le cinéma (sourire).

Merci John et Jehn pour cette discussion chaleureuse et à très bientôt

– John & Jehn : A bientôt !

Photos : © Antoine Carlier