Breizh ma Bro

Impossible de parler de ce festival sans parler de l’endroit où il se déroule et qui a fait son charme et sa réputation… Toujours soucieuse de mon empreinte écologique, j’y pars en transport TER jusqu’à Brest, puis bateau jusqu’à la presqu’île, c’est plus court que la route et ça vous donne un aperçu de la côte et du climat. Le vent s’est levé, le crachin commence à tomber et la vedette qui est remplie de festivaliers, tape dans les vagues. Ceux qui sont à l’avant prennent des paquets de mer bien salée en guise de bienvenue ! Je remarque que tout le monde est calme malgré les bouteilles qui circulent. La conscience aigüe de la profondeur de l’océan, la taille extraordinaire des falaises qui se rapprochent, les alignements de menhirs sur la pointe de Camaret, tu comprends tout ce que ça signifie : Le bout du monde, ce n’est pas qu’une petite presqu’île en forme de croix sur une carte.

Tu devras te faire tout petit. Ici, l’homme n’est que le spectateur de forces colossales en perpétuel mouvement, une poussière dans le fleuve d’une culture qui compte le temps en millénaires. L’affrontement éternel entre la roche et la mer rend humble et silencieux mais donne le goût de jouir de l’instant, de faire la fête et surtout d’écouter de la musique et de danser, quelque soit la situation sociale, l’origine (il y a de l’immigration choisie mais c’est le vent qui choisit) ou l’âge puisqu’on voit des festivaliers de trois mois à… tant que tu tiens encore debout ! C’est ma patrie, et sa stupéfiante beauté minérale me serre le cœur.

Le silence dans la navette est incongru pour qui connait les navettes de festival, chacun est content d’être à l’abri de la pluie et du vent et les yeux se posent tous sur l’horizon. Ce pays est puissant et te cloue le bec.

J’ai mon bracelet, autant dire le sésame. Le site est aéré, on n’est jamais les uns sur les autres, à part devant les scènes. Il y a des stands qui proposent de la nourriture exotique mais tout est vraiment cher ; par contre, il n’y a aucun problème pour amener ton propre pique-nique ; à l’entrée, ils ne sont intransigeants que sur le verre, qui est interdit même dans le camping et tant mieux pour nos pieds et pour ceux des vaches qui nous prêtent leurs prés.
Il y a trois scènes, la grande, le chapiteau et la toute petite. Tout le monde les appelle comme ça parce qu’on ne se rappelle jamais leurs noms.

Olivia Ruiz

C’est le genre d’artiste que l’on annonce comme tête d’affiche mais que l’on fait passer à vingt heures pour être sûr qu’il y ait un peu de monde. Je n’arrive pas à m’approcher tant sa voix est désagréable et sa musique inutile. Mieux vaut aller manger.

N’Diale

Jacky Molard est un génial violoniste breton qui enflamme depuis trente ans les dancefloors des fest-noz et fouine inlassablement les musiques d’ailleurs pour les faire s’accoupler avec la sienne. Voici donc N’Diale, composé du quartet de Jacky Molard et de la chanteuse malienne Foune Diarra et de ses deux musiciens. Pour arriver à cette fluidité, il y a eu beaucoup de travail, à Cotonou, puis à Langonnet et surtout des instrumentistes d’élite. Foune Diarra est ravissante dans son boubou traditionnel et sa voix est pleine des sables d’Afrique de L’Ouest. Le public est bouillant maintenant et chaque solo est salué par des hurlements et des applaudissements, surtout le violon celtique de Molard qui ferait danser un mort et le djembé d’Allassane Sissoko. Le set se termine par un sabar endiablé de Foune et un ventilateur bord de scène qui finira de crucifier les garçons.

Gotan Project

Je regrette très vite le chapiteau ; il pleut mais le tango du Gotan est chaud et les images de visu, argentines. La musique est tellement puissante sur la grande scène qu’on n’a pas besoin de s’approcher, il y a quinze caissons de chaque côté et la pression atmosphérique plaque les sons. Certains dansent mais le tango sur l’herbe des prés, ce n’est pas facile ! J’ai trouvé ça vraiment bien mais je n’ai pas été surprise et les conditions n’étaient pas bonnes pour leur musique, on aurait voulu s’asseoir et rêver…

Les Tambours du Bronx

Les voici donc ces Tambours, on peut presque dire à domicile tant le lien qu’ils ont avec la Bretagne est fort. Cette punkitude un peu à l’ancienne, ici, on aime ça ! La chaleur humaine est si élevée devant la scène que la pluie s’évapore avant d’atteindre le sol. Les gens déboulent en courant pour se jeter dans le pogo qui s’étend, les slammeurs qui passent telles des comètes poussent des hurlements mais le son couvre tout, violent, primitif, presque mystique. Et ces joueurs de tambours sont magnifiques, musclés, tatoués, rasés, il y a de la sueur et des cicatrices ; ils jouent le jeu de la virilité absolue et envoient au moins autant de testostérone que de décibels, et ça chauffe ! Les mouvements de foule font des vagues de plus en plus grosses tant le public est à bloc et eux sont contents, ça se voit. On doit être quinze mille à danser encore à trois heures du matin alors qu’on est sous la pluie depuis le début de l’après-midi ! Personne n’a envie d’arrêter, il y a plusieurs rappels et beaucoup de remerciements ainsi que la traditionnelle blague (tous l’ont faite) sur l’étanchéité des bretons.
La pluie redouble sur le chemin du parking n°2, le plus beau du monde paraît-il, mais je ne pourrai le vérifier qu’au lever du jour.

http://www.festivalduboutdumonde.com/

N’Diale
Gotan project
Les Tambours du Bronx