Je dois à Damien Saez une partie de ce que je suis. Ce n’est ni un compliment ni une tare. Il m’a simplement accompagnée durant les dix dernières années. Et croyez moi pour quelqu’un de 21 ans ce n’est pas rien de se rendre compte de ça. On parlait d’une semaine Saez et de parler de lui et nous. Là tu réfléchis et j’ai l’impression que ça peut vite tomber dans le pathos. Bon adjugé, je me lance à plein corps dedans enfin à pleine encre plutôt. Ne donnons pas trop de notre personne quand même.

Je n’aime pas les mélodrames, et encore moins les romans à l’eau de rose. Et ne pensez vraiment pas que Saez et moi ce n’est que ça ! Ce serait me faire parjure !
_ Sans ma sœur ainée, mon histoire saezienne ne serait pas la même … Avance rapide pour oublier les temps de découverte de la musique, le fond des abysses avec de la variet’ innommable, les passages en chœurs maitrisiens, l’apprentissage du piano et le classique qui va avec … Nous voilà dans l’année 2000 ou par là … étrangement je n’ai plus la date exacte ! J’ai donc été baignée très jeune dans l’univers Saez. Pour ma sœur, c’était la rébellion, le « j’en ai marre de la société, les parents … tous des cons. » Quant à moi, c’était de la musique entendue à travers les portes, une musique qui ne trouvait écho dans rien de ce que je connaissais vraiment à l’époque. Mais pourtant elle résonnait en moi, elle m’intriguait. Je me vois encore aller lui piquer son CD de temps en temps … si on ne l’écoutait pas ensemble. Et cette découverte de la musique autre que celle qu’on bouffe à la télé et qu’on supporte tant bien que mal voire te donne envie de gerber.
_ Parallèlement, je découvrais le « tout » : de Nirvana aux Guns N’Roses en passant par Bob Marley et bien d’autres. J’apprenais que mes parents ont écouté et vu des groupes incroyables en concert et ne font pas qu’écouter du classique, de la chanson française…

_ « Jeune et con » est alors devenu mon hymne de l’année… J’ai par la suite regardé en boucle la vidéo des Victoires de la musique. Moment d’anthologie. J’ai écouté en boucle jusqu’à l’user à force de tourner sur les platines Jours étranges. C’était devenu mon encyclopédie, ma référence. J’y voyais l’écho de tout ce qui m’entourait, de ce que je ne comprenais pas toujours … il mettait des mots là où j’en aurai été incapable.

_ Le temps a passé, les rencontres et les expériences se sont multipliés. Quand God Blesse parait en 2002, je ne fais pas que poser des sentiments sur ce CD. Autant dans Jours étranges, j’aimais le rock rageur, autant là j’apprécie la variété des styles. Mais, j’aurai du mal à expliquer pourquoi cet album est si important pour moi, sans doute parce qu’il m’a accompagnée durant une période difficile. « A ton nom, Saint-Pétersbourg, Massoud, Menacés mais libres seront chantées et chantées …
La perte d’un être cher est une des choses qui fait le plus souffrir et se rattacher à des chansons ça aide. Cependant, à cette période j’ai également connu des gens admirables dont une qui ne fait plus partie de ma vie mais sans elle je ne serai pas qui je suis. Nous partagions toutes deux cette passion de la musique et bien entendu Saez. Nous l’avons écouté en refaisant le monde, en imaginant, en rêvassant … Et, nos routes ont fini par diverger ce qui était peut-être préférable à l’époque. Mais, j’ai l’espoir, un petit espoir, que tout aille bien pour elle et qu’elle sache à quel point elle m’a changée.

_ Et horreur et abnégation, non ne me limogez pas sur la place publique, j’ai « oublié »Saez, j’ai plus ou moins arrêté de l’écouter … Je suppose que ça avait beaucoup à voir inconsciemment avec cet « éloignement ». Il me prend alors l’envie d’écouter ce poète, d’entendre sonner les mots, les mots d’aujourd’hui tel un Baudelaire de l’époque, et je reprends mes CDs, et je plonge à corps perdu dans ces mélodies. Et là, étrangement, je me rappelle tout, je sais pourquoi … Là les premiers amours arrivent, des vacances dans le sud, tout va pour le mieux pour la sortie de Debbie ! Je me précipite l’acheter en rentrant ! (ma sœur ayant perdu son côté fan !) J’ai l’impression que j’ai été béate, béate parce que je ne m’attendais pas à ça ! Ne me demandez pas ce à quoi je m’attendais, je n’en ai pas la moindre idée. Saez allait passer à Nantes … « T’es trop jeune pour aller seule à un concert » … Depuis, je me suis fait une raison bien que je leur en ai voulu !
_ J’ai rencontré par hasard d’autres fans. Pas moins heureuse de partager cette passion que j’ai pour la musique, partager Saez c’est encore une autre histoire, Saez tu l’écoutes seul, tu te mets dans un état second pour en profiter au maximum… même si avec le temps, en fond sonore c’est tout aussi agréable !
_ Le lycée, changement … radical ! Le bonheur ! Et là, Saez toujours dans ma vie ! Dans les bons comme les mauvais moments ! Écoutez à tout rompre du Debbie, ça rend heureux ! T’as envie de sauter partout ! Une merveille !!
_ Et puis, Saez à cette période, c’est aussi celui qui m’a permis de « tenir » quand ma meilleure amie s’en est allée bien loin de chez moi pendant des mois et des mois, pendant que les histoires de cœur était compliquées… Ce moment là, bien que compliqué, je l’ai surmonté avec de bonnes phases de chiales intempestifs…

_ Varsovie – Paris – L’Alhambra a ce qu’il faut pour que vous vous tiriez une balle dans le crâne ! A moins que vous ne préfériez la corde ? Contrairement à nombre de saeziens, je n’ai pas peur de l’acoustique, et même j’aime ça ! Tout un triple album dégorgeant de sentiments à ne plus savoir qu’en faire, c’en est même lourd mais dieu que c’est beau ! Émouvant qui te rappelle une réalité toute bête : Damien Saez est un homme comme les autres.
_ Juin 2008, des rencontres inoubliables pour un concert inoubliable aux Bouffes du Nord ! J’aurai aimé le voir pour un show rock, sauter et transpirer comme une malade mais ce sera pour une autre fois. Là j’ai eu le sentiment d’être emmitouflée dans un cocon d’intimité et de souffrance. Le monsieur ne se retrouve plus dans ces œuvres, les violons et violoncelle pleurnichards laisseront bientôt place aux guitares saturées.

_ Je ne m’attendais pas à ce qu’il fasse un écart si loin de « son » univers en allant voir du côté de la langue de Shakespeare. Comme quoi, j’ai vraiment le sentiment de « vivre » le même parcours… Un écart pour mieux revenir dans le droit chemin. Essai réussi bien que surprenant !

_ Aujourd’hui, le revoilà ! Après une apparition aux célèbres cérémonies qu’il affectionne tant, il nous livre l’opus J’accuse. Sortie entourée par la censure de l’affiche … après l’énervement que j’ai éprouvé face à tant de bêtises, ça aurait maintenant tendance à me faire rire ! Notre société vit dans de tels mensonges ! Quant à cet album, il sent la rage, la révolte … tout un programme voué à accompagner mes voyages en voiture !

_ Saez pour moi ce n’est pas qu’un petit con, c’est le poète des temps modernes, celui qui nous manquerait s’il n’était pas là, celui qui prend logiquement la suite de Brel, Brassens et Barbara …
_ Saez c’est lui, c’est elle, c’est eux… c’est un instant gravé à jamais, c’est ce toujours dans les jamais.

Une histoire sans fin …

Photos © Jean-Baptiste Mondino et Guillaume GAFFIOT / VISUAL Press Agency